Deux journalistes indépendants, une Canadienne et un Australien, ont quitté jeudi la Somalie au lendemain de leur libération contre paiement d'une rançon, selon leurs ravisseurs, et à l'issue de quinze mois d'une détention particulièrement longue et éprouvante.

Nigel Brennan et Amanda Lindhout ont été transportés à l'aéroport de Mogadiscio sous forte escorte de miliciens du gouvernement de transition somalien, a constaté un journaliste de l'AFP.

Amanda, recouverte d'une «habaya» (voile somalien) noire, et son collègue se sont alors engouffrés dans un petit avion privé dont les moteurs tournaient déjà.

Leur avion, qui a décollé dans la matinée, devait a priori rejoindre Nairobi. Il avait atterri la veille à Mogadiscio avec à son bord un pilote et deux autres hommes, venus récupérer les ex-otages.

La journaliste canadienne et le photographe australien avaient été enlevés le 23 août 2008 par des inconnus armés sur la route Mogadiscio-Afgoye (25 km plus à l'ouest), où ils voulaient visiter des camps de déplacés.

Leur captivité a été une des plus longues dans l'histoire récente des prises d'otages occidentaux en Somalie, et elle a été particulièrement éprouvante.

Amanda Lindhout a déclaré avoir été «battue et torturée» par ses ravisseurs, des «criminels se faisant passer pour des combattants de la liberté», dans une interview accordée par téléphone depuis Mogadiscio à la chaîne publique canadienne CTV. Son quotidien consistait «à rester assise par terre dans un coin 24 heures par jour», a-t-elle ajouté.

La famille australienne de M. Brennan a fait part de sa joie «immense» à l'annonce de sa libération.

La belle-soeur de Nigel, Kellie Brennan, submergée par l'émotion, a relaté l'épreuve psychologique de cette captivité pour l'ensemble de la famille.

«C'est très difficile d'exprimer le sentiment de joie immense que nous ressentons aujourd'hui en tant que famille à l'annonce de la libération de Nigel et Amanda», a-t-elle déclaré à la presse.

Une rançon d'un million de dollars a été versée contre la libération des deux journalistes, a affirmé au téléphone mercredi soir à l'AFP un ravisseur, qui a refusé de donner son identité.

Les deux anciens otages ont passé leur première nuit de liberté dans un hôtel du centre de Mogadiscio, le Saafi, étroitement protégés par un nombre important de miliciens du gouvernement provisoire.

Dans la Somalie livrée au chaos depuis 1991, les rares Occidentaux présents, qu'il s'agisse de personnel humanitaire ou de journalistes, sont des proies permanentes pour des milices désireuses de monnayer ensuite leur libération, le plus souvent au bout de quelques semaines.

Selon des médias somaliens, les deux journalistes étaient parvenus en février à échapper à la vigilance de leurs ravisseurs et à trouver refuge dans une mosquée avant d'être repris.

Cet incident avait conduit leurs geôliers à les séparer et à leur infliger une détention beaucoup plus dure.

En mai, les deux otages avaient ainsi témoigné par téléphone à plusieurs médias de leurs conditions de détention extrêmes, Nigel Brennan expliquant qu'il était enchaîné depuis de longs mois, vraisemblablement depuis la tentative d'évasion.

Les organisations internationales de défense des journalistes CPJ et RSF ont accueilli avec «soulagement» la nouvelle de leur libération au terme «d'un cruel calvaire».

Des voies s'étaient pourtant élevées, dont celle du magazine MacLean's, une référence au Canada, pour critiquer le manque de préparation des deux journalistes pour cette mission dans un pays connu pour ses enlèvements d'étrangers.