Changement de capmajeur en Afrique du Sud: après des années de déni, le gouvernement a annoncé hier des mesures vigoureuses pour combattre l'épidémie de VIH-sida. Le président Jacob Zuma, au parcours parsemé de controverses, promet une «nouvelle ère» pour l'Afrique du Sud, alors que le pays s'apprête à recevoir la planète à l'occasion de la Coupe du monde de soccer en 2010.

Après avoir ignoré pendant des années l'épidémie de VIH-sida qui ravage sa population, l'Afrique du Sud a annoncé hier une mesure qui a surpris et réjoui la communauté internationale: son président, Jacob Zuma, se soumettra bientôt à un test de dépistage.

 

L'annonce n'est pas banale. En 2006, Jacob Zuma a reconnu avoir eu des relations sexuelles non protégées avec une femme qu'il savait être séropositive. «Je me suis douché après avoir fait l'amour pour minimiser les risques de contracter de la maladie», avait déclaré celui qui était alors... président du Conseil national de lutte contre le sida.

L'Afrique du Sud est l'un des pays les plus touchés par le VIH-sida, mais ces dernières années, ses dirigeants ont préféré ignorer le problème plutôt que de s'y attaquer. Hier, outre le test de dépistage de M. Zuma - qui le recommande également à ses concitoyens -, le pays a annoncé qu'il allait fournir des antirétroviraux aux bébés et traiter les femmes enceintes pour éviter qu'elles ne transmettent le virus à leurs enfants.

L'approche de Jacob Zuma, président depuis mai dernier, tranche radicalement avec celle qui prévalait sous Thabo Mbeki. Celui-ci avait déclaré en 2003 «ne pas connaître personnellement quelqu'un qui est mort du sida». Sa ministre de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang, était surnommée «docteur Betterave» parce qu'elle prônait en 2006 une alimentation riche en fruits et légumes plutôt que l'usage de médicaments antirétroviraux.

Zuma nouveau

Est-ce le début d'une «nouvelle ère» sud-africaine, comme l'a annoncé hier M. Zuma? «À ma grande surprise, les premiers mois au pouvoir de Jacob Zuma ont été pas mal du tout», observe Dan O'Meara, professeur de sciences politiques à l'UQAM.

Dan O'Meara sait de quoi il parle: au début des années 80, ce Sud-Africain était, comme d'autres membres de l'ANC (Congrès national africain, le parti de Nelson Mandela), en exil au Mozambique. Jacob Zuma était le chef de l'ANC au Mozambique. «C'était un chef formidable, se souvient le professeur. J'avais beaucoup d'estime pour lui à l'époque. Et j'insiste: à l'époque.»

Une époque où, lors d'un banquet soulignant le 70e anniversaire de l'ANC en 1982, Jacob Zuma avait repoussé son assiette après avoir constaté qu'il n'y aurait pas assez de nourriture pour tout le monde. «Jamais de ma vie je n'ai été aussi fier d'être membre de l'ANC qu'à ce moment», se souvient Dan O'Meara.

Car les années 2000 ont révélé un tout autre Jacob Zuma. Vice-président sous Thabo Mbeki, il est relevé de ses fonctions en 2005 après avoir été accusé d'avoir accepté un pot-de-vin d'un fabricant d'armes. Les accusations ont cependant été abandonnées. Dans l'intervalle, en 2006, Zuma est acquitté d'une accusation de viol.

Ses démêlés judiciaires semblent avoir galvanisé ses partisans. En mai dernier, il devient président de la république. Dès son arrivée, mentionne Dan O'Meara, Jacob Zuma a fait ses premiers gestes pour combattre le sida. La ministre Tshabalala-Msimang a été limogée, l'Afrique du Sud s'est dotée du plus important programme de distribution gratuite d'antirétroviraux.

Un populiste

«C'est un populiste dans le bon et le mauvais sens du terme», dit M. O'Meara. «Il est proche du peuple, il entend bien ce qu'il lui dit.»

Les défis à relever sont encore nombreux pour Jacob Zuma. En 2010, l'Afrique du Sud accueillera la planète foot pour la Coupe du monde. Les stades sont prêts, mais le reste le sera-t-il à temps? «Le Mondial pose de nombreux défis, dit M. O'Meara, notamment pour la sécurité des visiteurs, parce que le taux de criminalité est élevé. Les pannes d'électricité sont fréquentes et le réseau de transport n'est pas au point. On croise les doigts...»