C'était une belle cérémonie comme il y en a peu à Mogadiscio, capitale somalienne, raconte Mohammed Olad Hassan, collaborateur de la BBC. Une collation des grades pour féliciter les nouveaux diplômés en médecine. «Il y avait des centaines de personnes dans le hall. Les étudiants étaient tous habillés d'uniformes colorés. Le hall avait été joliment décoré et tous étaient fébriles.»

Des diplômés sont montés sur l'estrade, où étaient alignés des ministres et autres dignitaires. Dans un reportage diffusé par Al-Jazira hier, un homme s'adresse aux invités endimanchés pour l'occasion. Plusieurs journalistes se trouvent au premier rang. 

Et tout à coup, l'image se brouille.

«Tout ce dont je me souviens, dit M. Hassan, c'est d'avoir été couvert de poussière. Tout le monde était couvert de poussière. Et il n'y avait pas de lumière nulle part.»

Vêtements de femme

Un homme, habillé de vêtements de femme selon certaines informations, s'est fait exploser près de la tribune des dignitaires. Autour de lui, M. Hassan ne voit que des corps. «Je pouvais voir mes collègues, des journalistes à qui je parlais juste avant, couchés sur le sol couverts de sang. Un de mes collègues était devant moi couché sur le ventre. Je ne pouvais dire s'il était vivant ou mort.»

Selon les rapports officiels, 19 personnes ont été tuées. «Mais je crois que le bilan va s'alourdir», croit Ahmed Hussein, président du Congrès Somalie-Canada, joint hier par La Presse. M. Hussein a parlé hier à un témoin de la scène à Mogadiscio selon lequel le nombre de victimes sera plus élevé.

La plupart des victimes sont des étudiants. Mais trois ministres ont également été tués: le ministre de l'Éducation supérieure, Ibrahim Hassan Addow, le ministre de l'Éducation, Mohamed Abdullhai Waayel, et la ministre de la Santé, Qamar Aden Ali. Deux journalistes somaliens, un correspondant de radio Shabelle et un cameraman d'al-Arabiya, ont aussi perdu la vie.

Mogadiscio fragmenté

L'attaque est survenue à l'hôtel Shamo, près du palais présidentiel somalien, un hôtel fréquenté par les quelques diplomates et humanitaires qui passent par Mogadiscio malgré la violence qui y règne. La sécurité aurait été allégée en raison de l'événement festif qui s'y tenait.

L'établissement est situé dans l'un des quartiers de la ville contrôlés par le gouvernement. Plusieurs autres quartiers de la ville sont sous le contrôle d'Al-Shebab, organisation islamiste liée à Al-Qaeda.

Mais les shebabs n'ont pas revendiqué l'attentat suicide d'hier, et Ahmed Hussein n'est pas prêt à affirmer qu'ils en sont l'auteur. «Il y a eu dernièrement des tensions entre les shebabs et Hezb al-Islam, une autre organisation islamiste. Peut-être que ça vient d'eux?»

La Somalie et Mogadiscio

«La Somalie, ce n'est pas Mogadiscio», insiste Ahmed Hussein, président du Congrès Somalie-Canada. «Il y a plusieurs régions de la Somalie qui sont en paix, comme les deux régions du Nord et du Nord-Est, qui sont dirigées par un gouvernement autonome élu démocratiquement. Les médias mettent l'accent sur Mogadiscio, ce qui se comprend puisqu'il s'agit de la capitale. Mais Mogadiscio, ce n'est pas la Somalie.» La journaliste canadienne Amanda Lindhout, libérée la semaine dernière après 15 mois de captivité, avait notamment été enlevée sur la route d'un camp de réfugiés hors de la capitale, dans le sud du pays. Les rebelles islamistes Al-Shebab et Hezb al-Islam se sont également fait la lutte, cet automne, pour gagner le contrôle du port de Kismayo, au sud-ouest de Mogadiscio.