Temporairement plus calme après la signature d'un accord de paix en 2005, puis rapidement éclipsé par le désastre du Darfour, le Sud-Soudan n'est toujours pas tiré d'affaire. Loin de là. Si bien que Médecins sans frontières (MSF) a critiqué hier le travail des humanitaires dans le secteur: pour l'heure, il y a beaucoup plus urgent que le «développement».

«Ces 12 derniers mois, MSF a été confronté à une recrudescence de violence et d'afflux de blessés dans le Sud-Soudan», a dit hier Stéphane Goetghebeur, de MSF, lors d'une entrevue téléphonique de Nairobi, au Kenya (au sud-est du Soudan). Les années qui ont suivi la fin de la guerre civile ont été «relativement calmes», a mentionné M. Goetghebeur.

«Je dis «relativement» parce qu'il existe un schéma de violence «traditionnelle» au Soudan lié à l'occupation de la terre et à la possession des troupeaux de vaches. Il existe, entre les communautés et certaines tribus, des règles pour sanctionner un vol de vaches, avec les séries d'attaques et de revanches qui y sont liées.»

Peu de survivants

Mais depuis un an, la violence a monté d'un cran. «Des villages sont attaqués. Et il y a peu de survivants au cours de ces attaques», a ajouté M. Goetghebeur.

En mars dernier, MSF est intervenu dans un village après une attaque. Au total, 400 personnes y avaient trouvé la mort, et 40 étaient blessées. «C'était 10 morts pour un blessé, ce qui est anormal quand on parle de pillage. Habituellement, on prend ce qu'on a envie de prendre, mais cette fois-ci, c'est beaucoup plus meurtrier. C'est une détérioration très sérieuse de la situation.»

La terreur qui règne dans les campagnes jette la population sur les routes - MSF parle de 250 000 déplacés à la suite des attaques - et la rend vulnérable à la malnutrition et aux épidémies.

Absence d'aide

Le gouvernement soudanais s'engage peu pour calmer le jeu, a dit Stéphane Goetghebeur. «Il n'y a pas de mobilisation de la part des autorités, ou de mission des Nations unies pour bloquer ou entamer des négociations interethniques.»

Et les missions des organisations non gouvernementales présentes dans la région ne répondent pas aux besoins, selon MSF. «La plupart des acteurs de l'aide au Sud-Soudan sont engagés dans des programmes de développement à plus ou moins long terme et il y a un fossé évident dans la réponse humanitaire d'urgence.»

L'attention publique s'est concentrée sur le Darfour, à l'ouest du pays, constate Stéphane Goetghebeur. Après les attaques, MSF a augmenté sa présence au Sud-Soudan. «Mais on a l'impression que le monde de l'aide, de manière générale, ne s'est pas engagé de la même manière. On se retrouve fort isolés face à l'ampleur des besoins.»

SUD-SOUDAN

Les forces armées soudanaises et les rebelles du sud du pays ont signé un accord de paix en 2005 après 20 ans de guerre civile sur fond de religion et de contrôle du pétrole. Le conflit a fait, selon l'ONU, environ 2 millions de morts et déplacé 4 millions de personnes.

DARFOUR

Depuis 2003, les rebelles et l'armée s'affrontent dans l'ouest du pays. Des centaines de milliers de personnes ont été tuées dans une guerre civile aux causes multiples, des différences ethniques à l'attrait du pétrole. Aujourd'hui, l'insécurité règne et les enlèvements d'expatriés ou de membres d'ONG sont courants.