Le parlement du Nigeria a voté mardi pour que le vice-président Goodluck Jonathan remplace temporairement le chef de l'État Umaru Yar'Adua, hospitalisé à l'étranger, espérant ainsi mettre fin à des mois d'incertitude à la tête du pays le plus peuplé d'Afrique.

La portée légale de ce vote n'était pas encore connue et des voix s'élevaient pour contester la décision.

Les deux chambres de l'Assemblée nationale, le Sénat et la chambre des représentants, ont adopté chacune une résolution prévoyant que M. Jonathan assure l'intérim à la présidence, M. Yar'Adua étant hospitalisé en Arabie saoudite depuis le 23 novembre pour un problème au coeur.

La décision intervient alors que le huitième exportateur mondial de pétrole fonctionne au ralenti et qu'un vif débat a lieu sur l'aptitude de M. Yar'Adua à continuer à présider.

Ce dernier ne s'est exprimé qu'à une seule reprise depuis son départ, dans un entretien avec la radio britannique BBC, le 12 janvier, et aucune image de lui n'a été diffusée.

«Pour la paix, l'ordre et la bonne gouvernance de la fédération et en accord avec les décisions des tribunaux, le vice-président Goodluck Jonathan doit assumer pleinement les pouvoirs présidentiels en tant que président par intérim», selon la résolution adoptée oralement par la chambre des représentants, à une très grande majorité.

Le Sénat avait adopté auparavant un texte allant dans le même sens.

Selon la Constitution, le chef de l'État doit transmettre une «déclaration écrite» au parlement pour lui notifier son absence et permettre au vice-président de le remplacer.

En l'absence d'une telle lettre, réclamée depuis des semaines de toutes parts, le Sénat a jugé que l'interview à la BBC faisait l'affaire.

«Le président, par cette déclaration à la BBC diffusée mondialement, a donné au parlement la preuve irréfutable qu'il est en congé médical (...) et a ainsi respecté l'article 145 de la Constitution», a déclaré le président du Sénat David Mark.

«Il est nécessaire d'adopter cette position pour permettre à la nation d'avancer», a-t-il dit.

Le sénateur Garuba Lado a jugé que le parlement allait à l'encontre de la Constitution.

Et dans un communiqué, le parti d'opposition Action Congress a estimé que le fait de s'appuyer sur une interview à la BBC était «insensé», soulignant que le Sénat n'avait pas le pouvoir d'installer M. Jonathan à la présidence par intérim.

Le 13 janvier, la Haute cour fédérale avait ordonné à M. Jonathan d'exercer temporairement les pouvoirs du président, précisant qu'il ne devenait pas pour autant «président par intérim».

Les 36 gouverneurs de la nation ont aussi appelé au remplacement du président, par M. Jonathan.

Le cabinet des ministres a jusqu'à présent soutenu que le président était apte à présider, mais la semaine dernière, une division est apparue lorsque Dora Akunyili, ministre de l'Information, a demandé à ce qu'il transfère ses pouvoirs à M. Jonathan.

Le cabinet doit se réunir mercredi.

Washington a mis mardi l'accent sur l'«incertitude» qui règne au Nigeria, sans cependant prendre position sur le vote des deux chambres.

«La secrétaire d'État (Hillary Clinton) souhaitait que je dise clairement que durant cette période d'incertitude, nous estimons très important que, s'il doit y avoir transition du pouvoir au Nigeria, celle-ci se fasse de manière démocratique», a déclaré le secrétaire d'État adjoint aux affaires africaines, Johnnie Carson, à Abuja.

En raison de l'absence du président, le processus de pacification du sud pétrolifère, en proie aux violences depuis 2006, est en passe d'échouer, selon des observateurs. Les attaques par les groupes armés ont repris ces dernières semaines.