À 13h hier, au palais présidentiel du Niger, des militaires ont emmené le président Mamadou Tandja dans une caserne militaire. Un deuxième coup d'État en un an pour cette contrée pauvre d'Afrique de l'Ouest. Deuxième? Selon l'Association nigérienne pour la défense des droits de l'homme (ANDDH), un premier coup d'État «constitutionnel» a été perpétré l'an dernier par celui-là même qui a été renversé hier.

Mamadou Tandja n'a pas chômé depuis un an pour se débarrasser, avec un certain succès, de ses opposants politiques. Mais il ne semble pas avoir réussi à mâter l'opposition des militaires. Depuis hier, le vieux président, qui a changé l'an dernier la Constitution de son pays pour rester au pouvoir, est détenu dans une caserne militaire.Selon la Constitution du Niger, un nouveau président aurait dû remplacer Mamadou Tandja en décembre dernier. Élu en 1999, puis en 2004, l'homme de 71 ans a terminé en 2009 les deux mandats successifs de cinq ans que lui accorde la Constitution de son pays. En mars, lors d'un voyage en France, il avait même déclaré: «Quand la table est desservie, il faut partir. Ne pas chercher à radoter pour chercher un autre mandat.»

Pourtant, deux mois plus tard, le président a convoqué un référendum pour prolonger son mandat. Raison officielle: il devait répondre à la «demande» émanant, selon lui, des régions pour qu'il puisse «boucler tous les chantiers qu'il a démarrés pour des raisons de stabilité».

Fraudes et corruption

Ce faisant, Mamadou Tandja s'est attiré les critiques de la Cour constitutionnelle de son pays et de ses voisins d'Afrique de l'Ouest. Le référendum s'est tenu au mois d'août 2009. Plusieurs irrégularités ont été relevées par l'ANDDH, dont des bulletins signés par des enfants et des noms d'opposants notoires rayés des listes. En plus d'être illégal, a constaté l'ANDDH, le référendum «a été émaillé de fraudes, d'intimidations et de corruption».

Le «oui» l'a emporté largement avec plus de 92% des voix... et un taux de participation qui n'a pas dépassé 5%, selon l'opposition. Les élections législatives du 20 octobre - tenues malgré les critiques de l'Union africaine et de l'Union européenne - ont confortablement reporté au pouvoir les alliés de Mamadou Tandja.

«Le 22 décembre 2009, date initiale des élections présidentielles, devait être placé sous le signe de l'alternance et ancrer le Niger dans le rang des pays démocratiques, a déclaré l'ANDDH il y a à peine une semaine. Il n'en fut rien. Le président Tandja est toujours là.»

En vertu de la nouvelle Constitution, le président Tandja s'est réinstallé à son poste, qu'il devait occuper jusqu'en 2013. Jusqu'à ce que les militaires arrivent à son palais hier.

Conseil militaire

Qui a voulu renverser le président?

Dans la nuit de jeudi à hier, un Conseil militaire a annoncé à la radio d'État nigérienne la suspension de la Constitution et la dissolution du gouvernement. Il a mis en place un couvre-feu, fermé les frontières terrestres et aériennes et appelé la population à garder son calme.

Selon un communiqué, le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie s'est doté d'un président. Il s'agit du chef d'escadron Salou Djibo. Il commande la compagnie d'appui de Niamey, qui dispose d'armements lourds, tels des blindés.

Plus tôt, une source diplomatique française consultée par l'AFP avait soutenu que la garde présidentielle avait pris part à ce coup de force. «On savait qu'une partie de l'armée désapprouvait Tandja et son coup de force constitutionnel, on pensait jusque-là cette partie très minoritaire.»

«Il y a une tradition de coups d'État dans ce pays (NDLR: en 1974, 1996 et 1999), mais on ne pensait pas que ça viendrait aussi vite», a-t-elle ajouté.

Selon l'AFP, l'irruption des militaires dans le palais présidentiel a fait «plusieurs morts et blessés». Des sources ont indiqué que le président Tandja et son aide de camp «seraient retenus» dans la garnison de Tondibia, située à une vingtaine de kilomètres de la capitale.

Des témoins ont fait état de tirs nourris dans la journée, notamment autour de la présidence, avec des combats à l'arme lourde dans les rues de Niamey et autour de la présidence. La capitale était survolée par des hélicoptères de l'armée. Dans la soirée, la radio officielle a suspendu ses programmes pour diffuser de la musique militaire.

Aucun bilan officiel sur d'éventuelles victimes n'avait été communiqué hier soir, mais, ont raconté des témoins et une source médicale, au moins trois ou quatre soldats ont été tués - dans un blindé visé par un obus - et «une dizaine» de militaires ont été blessés à Niamey.

Avec l'AFP

Niger : un des pays les plus pauvres du monde

Population: 15,2 millions d'habitants.

Langues: français (officielle) et langues nationales.

Religion: musulmans (plus de 90%).

Économie: troisième producteur mondial d'uranium, principale ressource d'exportation.

Produit intérieur brut par habitant: 330 dollars en 2008. 60% de la population sous le seuil de pauvreté.