L'opposition soudanaise s'est montrée ouverte au compromis vendredi afin de sauver la crédibilité des premières élections multipartites en 24 ans pour le plus grand pays d'Afrique sur fond de pressions internationales.

Le parti Umma, vainqueur des dernières législatives multipartites en 1986 mais dont le gouvernement avait été renversé en 1989 par l'actuel président Omar el-Béchir, a proposé aux autorités un délai de quatre jours pour mettre en oeuvre des réformes clés en échange de quoi il s'engageait à participer à un scrutin repoussé à la première semaine de mai.

«Huit conditions doivent être remplies d'ici au 6 avril pour que le parti Umma participe aux élections», a déclaré Sarah Nugdalla, responsable du bureau politique de ce grand parti soudanais à l'issue d'une réunion à Omdurman (ville jumelle de Khartoum), assurant que ces revendications étaient partagées par d'autres partis de l'opposition.

L'Umma demande entre autres un gel des «mesures de sécurité répressives», un accès équitable aux médias d'Etat, l'accès à des fonds publics pour les partis politiques et des engagements pour qu'un représentant du Darfour (ouest) obtienne un poste à la présidence.

L'émissaire américain pour le Soudan «Scott Gration a dit qu'il allait tenter d'obtenir ce délai» de quatre semaines pour la tenue des élections, a ajouté Mme Nugdalla.

Cette proposition a été annoncée à l'issue d'une rencontre du bureau politique du parti, mais surtout d'un entretien de son chef Sadek al-Mahdi avec M. Gration qui multiplie les rendez-vous à Khartoum afin de sauver ce scrutin déjà miné par les accusations de fraude et le boycottage de grands partis.

M. Gration doit encore rencontrer les représentants de la commission électorale, ont indiqué des responsables soudanais à l'AFP.

Pressions internationales

Les Etats-Unis ont exprimé vendredi leur espoir que toutes les parties impliquées dans les élections puissent mettre un terme à leurs différends et qu'ainsi des élections «crédibles» puissent avoir lieu en avril comme prévu.

La France a de son côté appelé les formations politiques qui avaient annoncé un boycottage des élections à y renoncer, en jugeant que «l'heure est à l'engagement de toutes les parties» pour la pacification du pays.

Quatre grandes formations d'opposition, dont l'Umma, les Communistes et le Parti unioniste démocrate (DUP) -qui avait terminé deuxième aux élections de 1986- avaient suggéré jeudi un boycottage total des élections.

Les ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) avaient plus tôt cette semaine retiré leur candidat à la présidentielle et principal opposant du président el-Béchir, Yasser Arman, tout en participant aux législatives et aux régionales sauf dans la région du Darfour, en proie à la guerre civile.

Le parti de l'opposant islamiste Hassan al-Tourabi, ancien mentor du président Omar el-Béchir devenu un de ses plus virulents critiques, a affirmé lui qu'il participait aux élections.

L'opposition avait jusqu'à présent demandé, en vain, un report des élections au mois de novembre. Mais le président Béchir et la commission électorale ont affirmé cette semaine que le scrutin se tiendrait le 11 avril comme prévu.

Par ailleurs, le DUP a précisé vendredi qu'il se retirait uniquement de la présidentielle, mais pas des législatives et des régionales.

«Je veux confirmer que nous allons participer aux élections à tous les niveaux exceptés à la présidentielle» à moins qu'un changement ne survienne, a dit à quelques journalistes Salah al-Bacha, responsable de la communication du parti. «Nous croyons dans l'idée d'un changement démocratique au Soudan», a-t-il ajouté.