Lorsque les représentants des Nations unies ont annoncé, récemment, que la crise alimentaire qui ébranle le Niger depuis le mois d'avril est terminée, les organisations humanitaires qui oeuvrent dans ce pays d'Afrique de l'Ouest ont bondi. «Sur le terrain, la situation ne fait qu'empirer», s'exclame une représentante d'Oxfam, de passage à Montréal.

Dans les régions qu'elle a récemment visitées, Fatima Ibrahima a été témoin de beaucoup de détresse. «Il y a eu des interventions humanitaires, mais ça ne répond pas aux besoins de la population», note la Nigérienne, qui travaille pour Oxfam depuis 11 ans déjà.

Dans un village, les familles affamées n'avaient reçu qu'une ration de 2,5 kg de denrées en six mois.

«Le mois dernier, il y a des villages où nous avons pu nous-mêmes donner des sacs de mil et de riz aux familles. Dans le village de Kondilli Darey, pendant la distribution, les femmes pleuraient», note Mme Ibrahima, qui ajoute que certaines de ces communautés ont sombré dans la famine depuis.

Envier les fourmis

Un peu partout au pays, quatre enfants meurent de malnutrition chaque jour. Les familles, qui ont vendu leurs biens pour se nourrir, sont à bout de ressources.

Pour survivre, beaucoup de Nigériens se nourrissent d'herbes peu comestibles ou de céréales qui servent habituellement à nourrir les animaux. Des femmes vont jusqu'à ouvrir des fourmilières afin de manger la nourriture qu'y ont stockée les insectes. «Je ne l'ai pas vu moi-même, mais ça se fait», soupire Mme Ibrahima, qui déplore que l'Agence canadienne de développement international n'ait pas répondu aux appels à l'aide d'Oxfam.

Selon l'organisation Aide à l'enfance (Save the Children), 2500 enfants visitent ses cliniques de malnutrition toutes les semaines. Devant une telle réalité, Aide à l'enfance, tout comme Mme Ibrahima, ont de la difficulté à comprendre la conférence de presse qu'a donnée la semaine dernière l'envoyé spécial des Nations unies en Afrique du l'Ouest, Said Djinnit.

Il a affirmé à la télévision nationale du Niger que, grâce à la «réponse rapide des autorités et au soutien rapide de la communauté internationale», la crise alimentaire a été «largement éradiquée». D'autres représentants de la FAO et du Programme alimentaire mondial ont tenu des propos semblables.

Les lunettes roses de l'ONU

Selon Mme Ibrahima, les représentants de l'ONU ont mis leurs lunettes roses. «Au Niger, il faut faire la différence entre la réalité et les données dont le gouvernement dispose», explique-t-elle: la collecte d'information, dans un des pays les plus pauvres du monde, n'est pas une mince affaire.

Néanmoins, selon elle, la junte militaire qui a pris le pouvoir en février dernier gère mieux cette crise alimentaire que le gouvernement précédent. «En 2005, quand il y a eu une crise alimentaire, le gouvernement avait nié son existence», rappelle-t-elle.

La présente crise est cependant beaucoup plus grave. Causée par d'importantes sécheresses et des récoltes anéanties, elle touche la moitié de la population du Niger, soit 7 millions de personnes, depuis le mois d'avril.

En tout, près de 10 millions de personnes sont touchées au Sahel. Hormis le Niger, le Mali et le Tchad sont les deux pays les plus affectés.