Le retrait des principales forces d'opposition des législatives en Égypte place le parti au pouvoir dans une situation de monopole qui affaiblit sa légitimité avant la présidentielle de 2011, estiment jeudi des experts.

Les Frères musulmans, première force d'opposition du pays, et le Wafd, plus important parti de l'opposition légale laïque, ont annoncé leur boycott du second tour du scrutin dimanche, en dénonçant des fraudes et des violences au profit du parti au pouvoir qui les a écrasés au 1er tour le 28 novembre.

«Le retrait de l'opposition renforce la crise de légitimité. Elle signifie que l'opposition n'a aucune confiance dans le système. Les dégâts sont considérables pour le Parti national démocrate (PND)» du président Hosni Moubarak, affirme Amr Hamzawi, de la fondation Carnegie, un centre d'études.

Le retrait de la confrérie islamiste et du Wafd laisse le PND face à de petits partis sans poids réel et des indépendants.

Même si la victoire du PND ne faisait aucun doute, la fraude dénoncée par l'opposition jette une ombre supplémentaire sur la légitimité de la prochaine assemblée.

«Le système a besoin d'un Parlement légitime et de candidats d'opposition. Sinon, c'est aussi mauvais pour la présidentielle» de 2011, estime M. Hamzawi.

Au premier tour, les frères musulmans (88 députés dans la chambre sortante), n'ont eu aucun élu et ne se trouvaient en ballottage que pour 27 sièges au second. Le Wafd (six députés), n'a eu que deux élus et une poignée de ballottages possibles.

Le PND en revanche a raflé 209 sièges sur 508 en lice.

Le parti au pouvoir espérait par cette élection renforcer l'image de stabilité du système, dans un contexte d'incertitudes pour l'élection présidentielle.

M. Moubarak, 82 ans dont 29 au pouvoir, n'a toujours pas fait savoir s'il se présenterait, mais laisse à son entourage le soin de dire qu'il pourrait effectuer un nouveau mandat.

Son fils Gamal, proche des milieux d'affaires, assure qu'il n'a pas d'ambitions personnelles, mais son nom reste dans tous les esprits pour succéder à son père. La vieille garde du parti en revanche cache à peine sa préférence pour un candidat issu du puissant appareil militaire.

Pour des diplomates, le PND a montré lors du scrutin des signes de faiblesse interne importants, comme par exemple laisser plusieurs candidats se présenter, dans de nombreux endroits, sous sa bannière pour un même siège.

«C'est une indication que le parti n'a pas été capable de résoudre ses graves problèmes. Le PND n'a pas été capable de gérer ces élections comme un vrai parti politique», estime un diplomate occidental au Caire.

«Si le parti se montre faible, on peut en conclure qu'il sera encore moins efficace quand se posera la question de la succession» présidentielle, affirme-t-il.

Pour Hassan Nafaa, du quotidien indépendant al-Masri al-Yom, «ce qui s'est passé au premier tour confirme que le parti au pouvoir est déterminé à accaparer seul le pouvoir, même s'il doit utiliser la fraude».

Le PND en revanche souligne que les deux scrutins sont de nature différente et estime que l'opposition ne doit qu'à ses propres faiblesses sa défaite du premier tour.

«Il n'y a pas de lien entre les deux élections», assure Ali Eldine Hilal, porte-parole du PND, soulignant que les législatives ont avant tout un caractère «local», tandis que la présidentielle «porte sur le choix d'un homme chargé des grands sujets».

L'industriel Ahmad Ezz, un baron du PND, soutient que les enquêtes d'opinion menées par le parti avant le scrutin montraient un déclin des islamistes, y compris dans leurs fiefs traditionnels.

«Quiconque comprend le prélude de cette élection ne peut être surpris par les résultats» en recul des islamistes, dit-il.