Un homme s'est immolé par le feu lundi devant l'Assemblée du Peuple au Caire, amenant le gouvernement à réagir en urgence pour minimiser la portée d'un geste rappelant celui d'un jeune Tunisien qui a déclenché les émeutes dans son pays.

L'homme s'est versé de l'essence sur le corps avant d'y mettre le feu, mais un policier se trouvant à proximité est parvenu à rapidement éteindre les flammes, selon une source parlementaire et l'agence officielle égyptienne Mena.

Il a été transporté dans un hôpital d'où il devrait sortir dans les prochaines 48 heures après avoir été traité pour des brûlures superficielles, a assuré le ministre de la Santé, Hatem al-Gabali.

La presse n'était pas autorisée à le voir, selon un photographe de l'AFP présent à l'hôpital.

Selon Mena, l'homme, Abdo Abdelmoneim, 50 ans, est restaurateur à Qantara, une ville proche d'Ismaïliya, donnant sur le canal de Suez. Il aurait voulu protester contre le fait «qu'il n'avait pas reçu de coupons pour acheter du pain pour son restaurant».

Le président du Sénat et secrétaire général du parti au pouvoir, Safouat el-Chérif, est monté au créneau pour mettre cette affaire sur le compte d'un incident bureaucratique, pas politique ni social.

«Pour ce que j'en sais, cette personne tient un restaurant et a eu un problème avec le quota de farine qui lui est alloué, cette affaire n'a donc pas de raison d'être discutée au parlement», a-t-il dit.

Le ministre des Affaires législatives, Moufid Chehab, a assuré «qu'il est important de ne pas faire de conclusion hâtive», tandis que le gouverneur d'Ismaïliya, Abdelguelil Fakharani, a assuré que l'homme avait des problèmes mentaux.

Un des ses amis, Hamid Megahed, présent devant l'hôpital où il est soigné, a toutefois affirmé «qu'on ne peut pas dire qu'il ait des problèmes mentaux. Il a simplement des problèmes personnels et émotionnels, comme la plupart des Égyptiens aujourd'hui».

Cette tentative de suicide survient dans un climat de grande attention en Égypte hérité de la situation en Tunisie, où les troubles ayant conduit au départ du président Zine el Abidine Ben Ali ont débuté avec l'immolation par le feu le 17 décembre d'un vendeur ambulant de 26 ans, Mohamed Bouazizi.

En Algérie, un homme qui s'était immolé samedi par le feu est mort dimanche, et trois autres ont tenté ces derniers jours d'en faire autant.

En Mauritanie, un homme s'est aussi immolé par le feu lundi près de la présidence de la République, pour protester contre le régime du général Mohamed Ould Abdel Aziz.

Yacoub Ould Dahoud, 43 ans, a arrêté dans la matinée sa voiture devant le Sénat, situé à quelques mètres de la présidence, et s'est aspergé d'un liquide inflammable à l'intérieur de son véhicule, avant d'y mettre le feu, selon ces témoins.

La police est intervenue rapidement et l'homme a été évacué vers un hôpital pour y être soigné pour des brûlures au visage et aux pieds, a indiqué une source hospitalière. Aucun détail n'était disponible sur son état de santé en début d'après-midi.

Selon des journalistes qu'il avait alertés quelques minutes auparavant pour les prévenir de son acte, il entendait agir ainsi parce qu'il était «mécontent de la situation politique du pays et en colère contre le régime en place» à Nouakchott.

La Mauritanie est dirigée par Mohamed Ould Abdel Aziz, un général arrivé au pouvoir par un coup d'Etat militaire mené en août 2008, puis ensuite élu à la présidence de la République en juillet 2009.

M. Ould Dahoud est un homme d'affaires aisé, selon ses proches, dans ce pays de quelque trois millions d'habitants qui ont un revenu moyen d'environ 760 dollars.

L'Égypte, comme plusieurs autres pays du Moyen-Orient, a connu ces derniers mois des tensions sociales et des manifestations dues à l'inflation et au chômage.

Premier importateur mondial de blé, l'Égypte a été particulièrement touchée par l'arrêt des exportations de la Russie en raison de la canicule et des incendies de l'été dernier.

Le gouvernement a dû procéder à des achats massifs auprès d'autres fournisseurs pour limiter l'impact de cette situation pour la population, dont une grande partie subsiste grâce à du pain subventionné.

Des hausses du prix de la viande ou de certains légumes ou des pénuries de gaz en bonbonnes ont aussi empoisonné le climat social ces derniers mois.

La chute du président Ben Ali avait été fêtée vendredi soir par des dizaines d'Égyptiens, qui s'étaient retrouvés devant l'ambassade de Tunisie au Caire pour scander : «Écoutez les Tunisiens, c'est votre tour les Égyptiens».

Le gouvernement égyptien a affirmé pour sa part samedi respecter «les choix» du peuple tunisien, qu'il a appelé à la «retenue» pour «empêcher le pays de plonger dans le chaos».