Les États-Unis ont pris vendredi la mesure de l'aggravation de la situation en Égypte, réclamant à leur allié Moubarak de réfréner l'armée et la police, et demandant des réformes «immédiates».

La chef de la diplomatie Hillary Clinton a appelé le gouvernement égyptien à «faire tout ce qui est en son pouvoir pour réfréner les forces de l'ordre», après quatre jours de manifestations de plus en plus violentes et imprévisibles.

«Ces manifestations», a-t-elle jugé, «montrent les doléances profondes dans la société égyptienne, et le gouvernement égyptien doit comprendre que cette violence ne fera pas disparaître les doléances».

Comme le président Barack Obama la veille, Mme Clinton s'est également adressée aux manifestants, invités «à s'abstenir de violences et à s'exprimer pacifiquement».

Elle a aussi demandé aux autorités de «mettre fin aux mesures sans précédent prises pour bloquer les communications», une référence à la coupure d'internet.

«En tant que partenaires», a-t-elle enfin affirmé sur un ton solennel, le visage fermé, «nous croyons fermement que le gouvernement égyptien doit dialoguer immédiatement avec le peuple égyptien pour mettre en oeuvre les réformes économiques, politiques et sociales nécessaires».

Pour le régime, «ce moment doit être saisi et nous espérons qu'il le sera», a-t-elle ajouté, comme pour souligner le sentiment d'urgence ressenti par l'allié américain.

«Très préoccupé au sujet de l'Égypte. Le gouvernement doit respecter les droits des Égyptiens et remettre en route les réseaux sociaux et internet», avait écrit auparavant Robert Gibbs, le porte-parole du président Barack Obama, sur son compte Twitter.

M. Obama, a fait savoir la Maison-Blanche, est informé «plusieurs fois par jour» des développements en Égypte, et a reçu un point complet de 40 minutes vendredi matin en lieu et place de son «briefing» habituel.

Ces réactions sont les plus vives venant des États-Unis depuis le début des manifestations réclamant le départ du président égyptien, Hosni Moubarak.

Après une hésitation initiale mardi -quand Mme Clinton avait qualifié le régime Moubarak de «stable»-, l'administration Obama a mis l'accent avec constance sur le respect du droit de manifester et le besoin de réformes.

Mais le changement de ton vendredi signale, en jargon diplomatique, que Washington juge désormais la situation très grave et instable.

«Ce qui se passera en Égypte relève du peuple égyptien», a sobrement répondu la secrétaire d'État à un journaliste qui lui demandait si M. Moubarak était «fini».

L'influent sénateur John Kerry, un ancien candidat démocrate à la Maison-Blanche, a estimé de son côté que l'Égypte devrait se choisir un nouveau dirigeant en 2011.

La situation en Égypte présente un dilemme pour les Etats-Unis, enclins à soutenir la démocratie mais dont M. Moubarak est le plus proche allié arabe.

L'armée égyptienne a bénéficié l'an dernier de subventions américaines à hauteur d'1,3 milliard de dollars et, hasard du calendrier, de hauts responsables militaires égyptiens sont justement présents depuis mercredi à Washington pour des discussions annuelles.

Les États-Unis ont toutefois financé à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars des organisations de promotion de la démocratie en Égypte, au grand dam du président Moubarak, selon des notes obtenues par WikiLeaks et publiées vendredi par le journal norvégien Aftenposten.