Une goutte de sang perle au bout du doigt de Nkosi Minenhle. L'adolescente vient de subir un test de dépistage du sida dans une clinique mobile plantée dans la cour de son lycée, en Afrique du Sud.

Après quelques minutes, une unique barre noire s'affiche sur le kit de dépistage: elle n'est pas contaminée. «Je suis heureuse, je vais pouvoir le dire à ma mère», lâche la jeune Zouloue, 15 ans, avec un petit rire nerveux.

Le test a été organisé par l'association Mpilonhle, qui intervient depuis 2007 dans les lycées du district de Mtubatuba (sud-est) avec des éducateurs, des assistantes sociales et des infirmiers.

À l'heure actuelle, seules quelques organisations non gouvernementales (ONG) organisent ces dépistages dans les écoles d'Afrique du Sud, pays le plus touché au monde par la pandémie (5,7 de ses 48 millions d'habitants sont séropositifs). Chez les moins de 20 ans, le taux de prévalence est déjà de 9%.

Soucieux d'améliorer la prévention et le traitement des jeunes, le gouvernement a décidé en février de généraliser ces expérimentations. Il compte proposer d'ici peu un dépistage à tous les collégiens et lycéens de plus de 12 ans.

Les protecteurs des droits de l'enfance ont appelé à la prudence, craignant que les écoliers ne se sentent obligés d'accepter le test, même s'ils n'ont pas la solidité émotionnelle pour assumer un résultat positif.

«On sous-estime toujours les adolescents», rétorque le pédiatre américain Michael Bennish, fondateur de Mpilonhle. «Ils ont des éléments d'immaturité, mais avec un bon soutien et des conseils appropriés, ils peuvent prendre des décisions éclairées.»

Un quart des écoliers à qui son association propose le test refuse de s'y soumettre. Au lycée Madwaleni, une jeune fille de 17 ans décline ainsi la proposition. Visage tendu et dos voûté, elle confie avoir eu une relation sexuelle avec un homme plus âgé et avoir «peur» du résultat.

Pour Gugu Zulu, responsable des éducateurs de Mpilonhle, son histoire prouve la nécessité d'intervenir dans les écoles. «On ne peut pas prétendre que les jeunes ne sont pas actifs sexuellement. Ce ne sont pas des anges innocents.»

À 16 ans, la moitié des Sud-Africains ont perdu leur virginité et les filles se lient parfois à des hommes plus âgés en échange de petits cadeaux.

«Dans la région, beaucoup de parents sont au chômage, alors les filles vont sortir avec des «sugar daddies» (des «papas gâteaux») pour gagner un peu d'argent», souligne Andile Zulu, une assistante sociale de l'association.

Plus exposées, les filles contractent davantage le virus: 6% des filles de terminale (17 ans) testées par Mpilonhle étaient séropositives contre moins de 3% des garçons de leur âge.

Malgré les risques encourus, parler de sexe en famille reste délicat. «Quand on pose des questions sexuelles à nos mères, elles peuvent nous punir ou refuser de répondre», confie Victoria Makhunga, 18 ans.

Dans ce contexte, l'association de Michael Bennish apporte une soupape. Lors d'entretiens individuels ou de discussions de groupe, les adolescents peuvent poser toutes les questions qui les tracassent.

Pour le pédiatre, c'est la clé du succès. «D'expérience, c'est complexe de mener des dépistages dans les écoles. Mais ça marche quand ça s'inscrit dans un programme très complet.»

Et il balaye les critiques de ceux qui craignent des perturbations des cours: «Il faut évidemment faire attention à ne pas interrompre les autres missions de l'école. Mais les connaissances scolaires sont inutiles aux morts.»