Il y a un an, presque jour pour jour, les Sud- Africains célébraient le succès de la Coupe du monde de soccer qu'ils ont accueillie du 11 juin au 11 juillet 2010. Un an plus tard, cependant, la fête a laissé la place à une gueule de bois économique et sociale, estime un sociologue.

Les one-night stands. En français, les «coups d'un soir». C'est ainsi que beaucoup de cyniques ont surnommé l'an dernier la dizaine de stades ultramodernes construits pour la Coupe du monde de soccer d'Afrique du Sud.

«Et vous savez quoi? Nous avions raison! Ces stades sont devenus des éléphants blancs qui drainent nos ressources», s'exclame aujourd'hui un de ces cyniques.

Professeur à l'Université de Johannesburg et militant des droits de la personne, Salim Vally avait accordé une entrevue à La Presse l'an dernier, six mois avant la tenue de l'événement sportif le plus suivi de la planète.

Il avait prédit que l'événement se déroulerait sans heurts et que les oiseaux de malheur qui prédisaient des centaines d'assassinats de touristes allaient s'en mordre les doigts. Sur ce point, Salim Vally est heureux d'avoir vu juste. «Il y avait un bon fond de racisme sous ces prédictions», croit-il.

N'ont pas eu lieu non plus les pogroms appréhendés par les médias. Plusieurs s'attendaient à ce qu'au lendemain du Mondial, les Sud-Africains les plus pauvres s'en prennent aux immigrants originaires des autres pays d'Afrique. «Ce n'est pas arrivé. En partie parce que le mouvement social sud-africain a travaillé très fort avec les communautés immigrantes pour prévenir le pire», estime à ce sujet Salim Vally, rencontré récemment lors de son passage à Montréal.

Que le pays n'ait pas basculé dans la violence ne veut pas dire pour autant que tout roule rondement dans l'Afrique du Sud post-Coupe du monde, met cependant en garde M. Vally. «Très clairement, cette Coupe du monde était pour montrer à tout le monde que tout va bien en Afrique du Sud et que nous sommes capables d'organiser le plus important événement sportif du monde. Mais pour ce qui est des promesses faites aux gens de créer de nouveaux emplois, de stimuler l'économie, tout ça, c'était faux», affirme-t-il.

Selon lui, les dépenses colossales de 4 milliards de dollars pour la Coupe du monde coûtent aujourd'hui cher à la société sud-africaine, qui doit maintenant payer la facture. Les hausses de salaire promises ne se sont jamais matérialisées. Les emplois créés pour l'événement ont presque tous disparu. Le taux de chômage réel frôle les 40%.

«Les infrastructures qui ont été construites pour la Coupe desservent surtout les stades et profitent surtout à la classe moyenne», ajoute M. Vally.

Résultat: l'Afrique du Sud a connu au cours de la dernière année les plus grandes grèves de son histoire post-apartheid. «Pour la première fois depuis le retour de la démocratie, le Congrès national africain, les leaders de l'ANC (anciennement dirigé par Nelson Mandela) font face à de dures critiques. Il y a de plus en plus de manifestations», souligne Salim Vally.

Que devrait faire le gouvernement pour redresser la situation? Pour répondre à cette question, Salim Vally se tourne vers la Coupe du monde. «Si le gouvernement a été capable d'organiser un événement aussi grandiose que la Coupe du monde, il devrait aujourd'hui utiliser les mêmes moyens pour combattre la pauvreté et la corruption.»