La sécheresse d'une rare gravité qui frappe la Somalie entraîne d'importants déplacements de population et «les besoins sont immenses» pour faire face à cette situation extrêmement précaire, alerte jeudi l'ONG Action contre la faim (ACF).

«Le centre de la Somalie est la région la plus touchée par la crise actuelle», explique ACF dans un communiqué.

«Il n'y a quasiment pas de récoltes et même dans les zones habituellement plus riches de Somalie, la récolte est inférieure de 50% aux récoltes habituelles», décrit l'ONG.

Beaucoup de familles tentent de vendre un bétail épuisé par le manque d'eau et de nourriture, entraînant «un effondrement» du prix des animaux, tandis que «les prix de la nourriture ont explosé, triplant, voire quadruplant par endroits», poursuit l'association.

«Les familles ont donc commencé à fuir la zone soit vers Mogadiscio (la capitale), soit vers les pays avoisinants (...) grossissant les camps de réfugiés aux frontières kenyanes (1400 arrivées par jour), éthiopiennes (1700 arrivées par jour) ou djiboutiennes».

Par ailleurs, selon ACF, «plus de 400 000 personnes seraient aujourd'hui déplacées aux portes ou dans la capitale Mogadiscio» où les équipes de l'ONG vivant depuis toujours en Somalie disent «n'avoir jamais vu une telle situation».

«Il y a quelques mois et alors que c'était déjà la crise, nous admettions dans le (programme de, ndlr) traitement en moyenne 750 enfants mal nourris par mois. Le mois dernier, nous en avons accueilli 1350 et nous avons dû limiter les admissions de peur de ne pas avoir assez de médicaments pour tout le monde».

L'ONG explique aussi craindre «l'émergence de larges épidémies de maladies diarrhéiques comme le choléra».

Dans le centre de la Somalie comme à Mogadiscio, ACF mène plusieurs programmes d'aide aux populations, mais «les besoins sont immenses dans ce pays en crise depuis plus de 20 ans» et «ACF manque encore de près de 50% des fonds nécessaires pour mettre en place» les actions nécessaires.

Organisations non gouvernementales et agences des Nations unies ont multiplié les appels à la mobilisation ces derniers jours pour venir en aide aux millions d'habitants d'Afrique de l'Est (Somalie, Éthiopie, Djibouti, Kenya) frappés par ce qui est peut être la pire sécheresse des dernières décennies.

Les camps de la misère

Des milliers de Somaliens viennent s'entasser dans des camps de misère dans la capitale Mogadiscio, fuyant la terrible sécheresse dans le sud du pays qui leur a pris leurs biens, leur bétail, et souvent aussi des proches.

«Je suis si triste de voir mon enfant avoir faim et d'être incapable de le nourrir», confie à l'AFP Kafia Ali, qui raconte «avoir fui le sud de (la province de) Gedo (sud de la Somalie) pour sauver ses deux enfants de la sécheresse qui tue».

«Mais la vie dans un camp de déplacés n'est pas mieux que ce que nous avions chez nous, à Bullo Hawo», constate-t-elle avec amertume.

Kafia a trouvé refuge dans le camp de Korane, dans le quartier de Medina, au sud-ouest de Mogadiscio, une succession d'abris de fortune, avec des sacs plastiques souvent comme seul toit, qui héberge aujourd'hui 3700 familles selon Hussein Botan Hassan, un responsable local.

Par une cruelle ironie, une pluie inhabituelle en cette saison achevait jeudi de rendre plus misérables les conditions de ces déplacés.

«Quand vous avez faim, le froid peut tuer. Les gens ont faim et sont totalement démunis», témoigne une dame âgée, également déplacée, Batula Moalim Ahmed.

«Ma femme était quelqu'un de formidable, qui s'occupait très bien de nos trois enfants. Mais quand elle est tombée malade et qu'elle avait faim, personne n'a pu l'aider, car la famille n'avait pas de nourriture à lui offrir», raconte Mohamed Aden, un autre déplacé.

Quand son épouse est décédée, «nous avons quitté Diinsor (région de Bay, sud de la Somalie) avant de mourir à notre tour», ajoute-t-il en pleurant.

«Avant, je possédais des vaches, des chèvres et quelques chameaux, mais aujourd'hui je suis un mendiant, veuf, dans un camp de déplacés. Dieu l'a voulu ainsi», poursuit cet homme de 62 ans.

Beaucoup des déplacés de Mogadiscio ont ainsi perdu leurs récoltes, puis leur cheptel, dans le sud du pays contrôlé majoritairement par les islamistes shebab, et frappé par une des pires sécheresses de ces dernières décennies.

«L'absence de toilettes empoisonne notre vie. Nous ne pouvons pas jeter les excréments comme ça, cela serait insalubre. Nous sommes peut-être pauvres, mais nous sommes des êtres humains qui méritent le respect», s'indigne Abduilkadir Mohamed.

La rougeole a fait son apparition et «a emporté la vie d'un garçon hier», selon un employé humanitaire.

Une mère de famille venant de l'hôpital Aden Adde montre un demi-kilo de viande de chèvre: «regardez ce que nous a donné l'hôpital. Mes enfants auront de la viande ce soir, et je vais également la partager» avec d'autres déplacés. Des habitants de Mogadiscio, à la situation pourtant très précaire, tentent également de venir en aide à ces plus misérables qu'eux.

Déjà confronté à l'insurrection des islamistes shebab, le fragile gouvernement de transition somalien a créé un comité national chargé de faire face aux conséquences de la sécheresse, mais il reconnait que ses moyens sont limités face à l'ampleur de la crise.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) indique nourrir 300 000 personnes à Mogadiscio en moyenne mensuelle, dont 85 000 repas chauds fournis quotidiennement aux plus défavorisés.

La plupart des déplacés de Mogadiscio viennent des régions de Bay, Bakol et Lower Shabelle. 54 000 autres habitants du sud du pays ont traversé la frontière pour le seul mois de juin pour échouer dans des camps surpeuplés, au Kenya ou en Éthiopie.

Près de trois millions de personnes, soit un Somalien sur trois, ont besoin d'aide humanitaire selon les Nations Unies. Le niveau de malnutrition sévère des enfants a presque doublé depuis mars en Somalie, devenant le plus élevé au monde, selon le Comité international de la Croix rouge.