Le chef la FAO a réclamé lundi à Rome une «aide internationale massive et urgente» pour la Corne de l'Afrique, touchée par une grave sécheresse, mais ses contours chiffrés sont restés flous, à la grande déception des organisations humanitaires.

«Il faut sauver des vies et réagir», a lancé lors d'une réunion ministérielle de crise le directeur général de l'Organisation de l'ONU pour l'agriculture et l'alimentation, Jacques Diouf, selon qui 1,6 milliard de dollars sont nécessaires dans les 12 mois et 300 millions dans les deux mois qui viennent.

Lundi, au cours de la conférence de presse finale, aussi bien M. Diouf que le ministre français de l'Agriculture Bruno Le Maire, dont le pays, qui préside actuellement le G20, a convoqué la réunion de Rome, ont éludé les questions sur le montant précis des sommes promises ou versées par les contributeurs.

Selon le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, il faut 1,6 milliard de dollars rien que pour la Somalie, où «des enfants et des adultes meurent chaque jour à un rythme terrifiant», mais les agences de l'ONU n'en ont reçu que la moitié.

La réunion de lundi visait à «faire le point sur l'état d'avancement des donations, sur les besoins et préparer la conférence des donateurs de Nairobi dans deux jours», a indiqué M. Le Maire, selon lequel l'Union européenne a apporté 100 millions d'euros (136 millions de dollars) et la France «a doublé son aide à 10 millions (13,6 millions de dollars)».

La Banque mondiale avait pour sa part annoncé l'octroi de 500 millions de dollars.

Avant la réunion, une trentaine de personnalités dont le chanteur Bob Geldof, le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly, l'acteur et réalisateur britannique Stephen Fry et la comédienne Kristin Scott Thomas avaient pourtant exigé que les pays membres de la FAO «annoncent le montant de leur aide et trouvent cet argent sans délai, sans détour et sans équivoque».

La sécheresse qui sévit actuellement dans la Corne de l'Afrique, la pire depuis 60 ans, a déjà fait des dizaines de milliers de morts et menace 12 millions de personnes en Somalie, au Kenya, en Éthiopie, à Djibouti, au Soudan et en Ouganda.

La situation est particulièrement critique en Somalie, où l'ONU a décrété formellement la famine dans deux régions du sud, contrôlées par les insurgés islamistes shebab, qui en interdisent l'accès à certaines organisations humanitaires.

«Cette crise n'est pas seulement le résultat d'une sécheresse prolongée: il est indispensable d'arriver à la paix», a dit M. Diouf.

«La faim, scandale de ce siècle»

La directrice du Programme alimentaire mondial (PAM), Josette Sheeran, a annoncé qu'un pont aérien d'aide pour Mogadiscio commencerait dès mardi avec pour priorité la livraison de nutriments aux enfants.

«Notre principal sujet d'inquiétude, ce sont les enfants. Nous voyons arriver des enfants qui sont tellement faibles, en état de malnutrition avancée, qu'ils ont très peu de chances -moins de 40% de chances- de s'en sortir. C'est le pire que j'aie jamais vu», a témoigné Mme Sheeran, de retour d'une tournée dans la région.

Elle a raconté avoir rencontré des femmes «qui ont dû laisser leurs bébés sur la route, et faire le choix horrible de choisir de sauver le plus fort au détriment du plus faible», d'autres qui «ont vu leurs enfants mourir dans leurs bras».

Auparavant, le vice-premier ministre somalien Mohammed Ibrahim avait lancé un SOS: «La population de Somalie est désespérée. Je lance un appel afin que vous puissiez aider la Somalie à ouvrir des couloirs humanitaires pour le transport de l'aide alimentaire».

«La communauté internationale a échoué à assurer la sécurité alimentaire», a reconnu Bruno Le Maire.

«Si nous ne prenons pas les mesures nécessaires, la faim sera le scandale de ce siècle», a poursuivi le ministre, tout en disant «mesurer parfaitement la lassitude des opinions publiques, la tentation de la résignation et de l'indifférence».

Déçue, la directrice de l'ONG britannique Oxfam, Barbara Stocking, a jugé «honteux que seules quelques-unes des économies les plus riches et les plus puissantes aient été disposées à montrer leur engagement aujourd'hui pour sauver des vies».

«J'espère que la réunion d'aujourd'hui entraînera d'autres gouvernements à s'engager fortement lors de la réunion de Nairobi», a-t-elle déclaré dans un communiqué.

L'organisation non gouvernementale One, créée par le chanteur Bono pour combattre la pauvreté, a de son côté espéré que «les mots forts et émotionnels prononcés par les représentants du monde entier seront suivis d'actes aussi forts en faveur des hommes, femmes et enfants qui meurent de faim».