Le Zimbabwe devrait gagner des milliards de dollars grâce à la vente de diamants issus des tristement célèbres mines de Marange où ont été constatées de graves violations de droits de l'homme, au grand dam des opposants au président Robert Mugabe.

Le Processus de Kimberley, le régulateur mondial chargé d'éliminer les «diamants du sang», a autorisé mardi la mise sur le marché de diamants provenant de deux sites des domaines de Marange, dans l'est du Zimbabwe.

Considérées comme les plus riches découvertes en Afrique depuis des décennies, les mines de Marange avaient été envahies en 2008 par l'armée zimbabwéenne, qui en avait expulsé des milliers de mineurs, avant de forcer des civils à les remplacer.

Selon des groupes de défense des droits de l'homme, environ 200 personnes ont été tuées, et d'autres battues ou violées, poussant les experts du Processus de Kimberley à suspendre les exportations des diamants.

Sur fond d'informations faisant état de nouveaux abus dans la région, la décision de mardi vient après de longs mois de négociations, alors que c'est tout le Processus de Kimberley qui menaçait d'exploser.

Le département d'État américain a notamment indiqué que Washington s'était abstenu afin de sortir le Processus d'une «impasse». Inde et Chine poussaient pour une reprise des ventes à laquelle s'opposaient les Occidentaux -États unis et Union européenne- et le Conseil mondial du diamant.

«Nous sommes toujours préoccupés par la situation à Marange», a précisé Elizabeth Trudeau, porte-parole de l'ambassade américaine à Pretoria.

«C'est vraiment une parodie, qui remet en question l'avenir du Processus de Kimberley et ses références en tant que système qui garantit aux consommateurs que leurs diamants ne sont pas tachés de sang», a réagi Mike Davis, du groupe de défense des Droits de l'homme Global Witness.

«Les principaux bénéficiaires pourraient bien être particulièrement douteux, et, pour certains, des personnages violents de l'establishment politique du Zimbabwe qui cherchent comment financer leurs exactions et intimidations des campagnes électorales», a-t-il indiqué à l'AFP, faisant allusion aux méthodes du président Robert Mugabe.

Le Mouvement pour un changement démocratique (MDC) du premier ministre Morgan Tsvangirai -adversaire de M. Mugabe, bien qu'associé à lui dans un fragile gouvernement d'union nationale- et des groupes de défense des droits de l'homme accusent le camp de M. Mugabe de détourner les bénéfices tirés des diamants à son propre profit, alors que des élections sont envisagées l'an prochain.

Le député MDC Edward Cross a ainsi regretté la décision du Processus de Kimberley, indiquant à l'AFP qu'il avait «la preuve que la valeur et les volumes (des diamants) sont sous-estimés» et qu'ils «sont utilisés pour faire obstacle au processus démocratique au Zimbabwe».

Morgan Tsvangirai a demandé à ce que les revenus aillent vraiment dans les caisses de l'État.

«Ce qui nous préoccupe bien sûr, c'est qu'une fois que ces diamants auront été écoulés, tout l'argent doit passer par les finances publiques. La manière dont nous exploitons et écoulons nos diamants doit être transparente, a-t-il déclaré.

«J'espère que ce feu vert du Processus de Kimberley permettra au gouvernement de contrôler les ressources de Marange d'une manière transparente et ouverte», a insisté le premier ministre.

Le ministre zimbabwéen des Mines Obert Mpofu, un proche de M. Mugabe, a estimé que la vente des diamants devrait rapporter au moins 2 milliards de dollars par an au pays.

«Le Zimbabwe ne sera plus le même. Nous allons avoir la prospérité, le développement et la pleine maîtrise de nos ressources», s'est-il réjoui devant des journalistes.

Harare se retrouve en outre avec un stock de diamants dont la valeur atteindrait 5 milliards de dollars. Par comparaison, le produit intérieur brut (PIB) du pays était de 7,5 milliards de dollars l'année dernière, selon le Fonds monétaire international (FMI).