À Kinshasa, l'opposition est sonnée. Préméditée ou pas, l'interdiction samedi de tout meeting pour la présidentielle de lundi en RD Congo a privé Étienne Tshisekedi, bloqué huit heures à l'aéroport par la police, d'une démonstration de force face à Joseph Kabila.

Une démonstration de force qui, au fil des heures, a tourné à l'épreuve de force tout court. Récit d'une journée surréaliste, de chassés-croisés entre les aéroports, de «guerre des stades», de face à face tendus, marquée par la mort d'au moins une personne.

Initialement le programme était simple: après une longue tournée en province, Kabila et Tshisekedi devaient haranguer une dernière fois leurs militants à Kinshasa, une ville plus acquise à l'opposition qu'au parti de Kabila, le PPRD.

Pour cette «apothéose», chaque camp avait annoncé un lieu et une heure, pour mobiliser au maximum. Premier accroc: le président et son principal concurrent, tous deux encore en province, choisissent... le même stade, celui des Martyrs, le plus grand de la ville avec ses 80 000 places.

Tshisekedi se rabat vite sur un autre endroit: le Boulevard Triomphal et la place du Cinquantenaire, tout près du stade. Trop près.

L'ambiance devient électrique. Tandis que les pro-Kabila arrivent sans problème au stade, la police disperse les pro-Tshisekedi au gaz lacrymogène.

À l'aéroport international Ndjili, d'autres militants de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) attendent par milliers Tshisekedi, 78 ans.

L'attente se prolonge sous un soleil lourd.

L'arrivée du gouverneur de Kinshasa, un pro-Kabila, André Kimbuta, déclenche les premiers jets de pierres. Celle d'un détachement armé de la police militaire ne fait que redoubler la colère des pro-Tshisekedi qui sont repoussés avec des grenades lacrymogènes.

Le convoi, vide, du président débarque à son tour à l'aéroport, où le premier ministre et le chef du parti au pouvoir poireautent au salon d'honneur. Il se prend aussi quelques pierres. Kabila atterrira finalement mais ailleurs.

Pendant ce temps, Tshisekedi est toujours bloqué sur un aéroport de province. Pas le droit de se poser à l'aéroport international.

Et coup de théâtre: les autorités interdisent tous les meetings, après la mort d'un homme, tué par une pierre en pleine tête.

«Au nom de la sécurité publique», justifie André Kimbuta, qui accuse les pro-Tshisekedi d'être armés.

Tshisekedi ne le sait même pas lorsqu'il atterrit enfin... dans un autre aéroport, Ndolo, plus proche de Kinshasa.

«Ah bon? Eh bien je vais quand même faire mon grand meeting», dit-il à l'AFP avant de rejoindre en voiture ses partisans à l'aéroport international.

«Qu'est-ce qu'il représente ce gouverneur-là? Vous allez voir s'il va oser venir au stade m'empêcher de tenir mon meeting», tonne Tshisekedi.

À l'aéroport Ndjili, Tshisekedi avec son éternelle casquette s'engouffre dans un 4x4. Direction Kinshasa, debout par le toit ouvrant, façon command-car.   Dehors, les grenades lacrymogènes pleuvent sur ses partisans. Il ne fera que quelques centaines de mètres sur la bretelle qui conduit à la route principale: son Hummer rouge est bloqué par 4 pick-ups et un camion blindé de la police. Le chef suprême de la police, le général Charles Bisengimana, est sur place avec 300 de ses hommes.

La nuit tombe, le face à face s'enlise. Tshisekedi s'est rassis dans son 4x4. La police lui donne le choix: il peut repartir... avec un policier au volant, ou dans une voiture de police, sinon il est bloqué jusqu'à minuit. Réponse: «je ferai mon meeting après minuit». Après la fin officielle de la campagne.

Finalement la police intervient violemment peu avant minuit (18h heure du Québec) contre le convoi de Tshisekedi, dont le secrétaire général est embarqué sans ménagement par les forces de l'ordre, a constaté un journaliste de l'AFP.

Pour faire partir de force la vingtaine de voitures, les policiers poussent les gens à coups de matraques dans leurs véhicules.

Le convoi s'est finalement ébranlé vers 23h50 locales en direction de la capitale et selon l'UDPS, Tshisekedi est rentré chez lui, escorté par la police.

Peu de temps auparavant, Tshisekedi avait accusé la mission de l'ONU au Congo (Minusco), d'être «complice du pouvoir», en refusant d'être escorté «comme un prisonnier».