Les insurgés islamistes shebab ont annoncé lundi la fermeture de 16 ONG et agences humanitaires de l'ONU qu'ils accusent «d'activités illégales» dans les zones sous leur contrôle en Somalie, où la famine a déjà tué plusieurs dizaines de milliers de personnes.

Les shebab ont «décidé de révoquer de façon permanente les autorisations» de ces organisations, qu'ils accusent dans un communiqué de collecter des informations à des fins «malhonnêtes», de pratiquer la corruption et de s'opposer aux préceptes de l'islam.

Six agences de l'ONU sont concernées: le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds pour l'enfance (UNICEF), le Fonds pour la population (UNFPA), le bureau pour les services d'appui aux projets (UNOPS) et le centre d'analyse pour la sécurité alimentaire (FSNAU).

Les ONG interdites sont Action contre la faim (ACF), Norwegian Refugee Council (NRC), Danish Refugee Council (DRC), Concern, Norwegian Church Aid (NCA), Cooperazione Internazionale (COOPI), Swedish African Welfare Alliance (SAWA), l'agence de coopération allemande GIZ (ancienne GTZ), ainsi que Solidarity et Saacid.

«Toutes les organisations (...) activement engagées dans des activités jugées nuisibles à la mise en place d'un État islamiste ou menant des activités autres que celles qu'elles disent officiellement mener seront immédiatement interdites, sans avertissement», ajoutent les shebab.

Des témoins et une source sécuritaire régionale avaient un peu plus tôt fait état de descentes coordonnées lundi matin dans les bureaux d'organisations humanitaires de plusieurs villes du centre et du sud somaliens, des régions majoritairement contrôlées par les shebab.

Des habitants ont affirmé que certaines ONG, comme Médecins sans frontières (MSF) et le Comité international de la Croix rouge (CICR), avaient à ce stade été épargnés, ce que confirme implicitement le communiqué des shebab, qui ne les cite pas.

La Somalie, en guerre civile depuis 20 ans, a été le pays le plus durement touché par la récente sécheresse dans la Corne de l'Afrique. Selon l'ONU, trois régions du Sud somalien sont encore en état de famine, et près de 250 000 personnes risquent encore d'y mourir de faim.

En plus «d'un détournement collectif de fonds», les shebab accusent les 16 organisations interdites d'avoir mis des informations collectées sur le terrain au service de «politiques malhonnêtes» et de programmes autres que ceux de réduction de la pauvreté et d'aide humanitaire.

Ils leur reprochent d'avoir «favorisé la sécularisation (...) et les valeurs dégradantes de la démocratie dans un pays islamique».

«Il a été avéré que certaines organisations collaboraient avec des églises oecuméniques transnationales», pratiquaient du «prosélytisme auprès de jeunes, souvent pauvres, enfants musulmans» et «montaient en permanence la population contre l'établissement du système islamique de la charia», dit le communiqué.

Les shebab accusent ces organisations de partialité dans la guerre civile en Somalie, de pratiquer la corruption et de vouloir «exploiter les ressources naturelles du pays».

Les shebab leur reprochent enfin «d'avoir aggravé la crise des réfugiés en échouant à mettre en oeuvre des solutions durables» à leur profit.

En 2009, les insurgés avaient déjà forcé la majorité des ONG étrangères et agences onusiennes à évacuer les zones sous leur contrôle, les accusant de visées politiques ou de déstabilisation du marché agricole local.

Parmi elles, figuraient déjà par exemple le Programme alimentaire mondial des Nations unies.

Celles restées sur place demeuraient soumises à des contrôles drastiques et restrictions, qui, selon les humanitaires, nuisent à l'acheminement de l'aide cruciale pour plusieurs centaines de milliers de victimes de la crise alimentaire.