Le président sortant de la RD Congo Joseph Kabila a été désigné vendredi vainqueur de la présidentielle du 28 novembre par la commission électorale, mais son rival Etienne Tshisekedi s'est immédiatement proclamé «président élu», et des incidents violents ont été signalés à Kinshasa.

Joseph Kabila, 40 ans - élu une première fois en 2006 - l'a emporté avec 48,95 % des voix (8.880.994 voix), loin devant l'opposant de 78 ans Etienne Tshisekedi qui a totalisé 32,33 % des suffrages (5 864 775 voix), selon les chiffres provisoires communiqués par la Commission électorale nationale indépendante (Céni) avec trois jours de retard.

Sur les 32 024 640 électeurs inscrits, 18 911 752 ont voté, soit un taux de participation de 58,81%, avec un total de 18 143 104 suffrages exprimés valables. Ces résultats doivent encore être validés par la Cour Suprême de Justice (CSJ) qui désignera le 17 décembre le vainqueur définitif.

Dans une déclaration à l'AFP, Etienne Tshisekedi a rejeté les résultats de la Céni, et s'est aussitôt autoproclamé «président élu de la République démocratique du Congo».

«Je considère (les résultats de la Céni) comme une véritable provocation à notre peuple et je les rejette en bloc. En conséquence je me considère depuis ce jour comme le président élu de la République démocratique du Congo», a déclaré M. Tshisekedi.

«Il n'y a pas deux présidents. Nous avons des PV (procès-verbaux) qui montrent clairement que je suis gagnant et de loin!». M. Tshisekedi a donné son propre score: «54% des voix qui me sont attribuées contre 26% pour monsieur Kabila».

Il a exhorté les Congolais «à rester soudés» derrière lui «pour faire face aux évènements qui vont suivre», a-t-il poursuivi, en demandant à la population de «rester calme et sereine». Il a aussi appelé à la communauté internationale à faire en sorte que «le sang des Congolais ne puisse plus couler sur le sol de ce pays».

Sur la chaîne France 24, il a refusé de contester la victoire annoncée de Joseph Kabila devant la CSJ.

«Il n'y a pas de justice chez Kabila. Cette Cour est une institution privée de M. Kabila. On ne peut pas leur faire l'honneur de recourir à eux (les juges de la Cour). Ce serait leur reconnaître une certaine légitimité. Je ne le ferai jamais», a-t-il précisé.

Peu après le scrutin du 28 novembre, M. Tshisekedi avait menacé de lancer un «mot d'ordre» si (le président) Kabila ne respectait pas «la volonté du peuple».

Arrivé en 3e position (7,74%) selon la Céni, l'opposant Vital Kamerhe a également rejeté «catégoriquement» ces résultats et reconnu la victoire de Tshisekedi.

Dans quelques quartiers de Kinshasa, sous haute surveillance policière et militaire depuis mardi, quelques incidents ont éclaté et des tirs ont été entendus vendredi peu après l'annonce de la victoire de Kabila, ont constaté des journalistes de l'AFP. Quelques pillages limités ont également eu lieu.

Aucun incident majeur n'avait été signalé jusque-là dans le reste du pays.

«Rendez vous en 2016»

Signe de l'inquiétude ambiante, la Belgique, ancienne puissance coloniale, a appelé à éviter la violence, tandis que Paris a exhorté les autorités congolaises à «assurer l'ordre public dans le respect de l'État de droit», sans mentionner nulle part dans son communiqué la victoire de Joseph Kabila.

Le Royaume-Uni s'est dit «préoccupé» par des soupçons d'«irrégularités» et a appelé la CSJ à examiner tous les recours «rapidement et de façon transparente». L'Union européenne a appelé au calme et à une contestation éventuelle des résultats «par les voies légales».

«Cette 2e élection dans un pays qui a connu le chaos (deux guerres de 1996 à 2003 qui ont fait près de 5 millions de victimes), personne ne pouvait y croire», a pour sa part lancé le président de la Céni, le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, qui a donné «rendez-vous en 2016» - date de la prochaine présidentielle - sans apparemment attendre le verdict de la CSJ.

Avant de livrer le résultat final provisoire de la Céni, le pasteur Mulunda a longuement expliqué et justifié le travail de sa commission durant les sept derniers mois.

«C'est un miracle électoral congolais. La Céni a agi en toute indépendance, neutralité et impartialité pour organiser des élections libres et transparentes», a-t-il affirmé.

Le résultat provisoire des législatives, qui se sont déroulées avec la présidentielle, est attendu mi-janvier. Le double scrutin a débuté un cycle d'élections (provinciales, sénatoriales, locales) qui doit se poursuivre jusqu'à l'été 2013.