La secte radicale islamiste Boko Haram a revendiqué vendredi une dernière série d'attaques ayant visé des chrétiens et qui ont fait au moins 28 morts depuis jeudi, a annoncé un homme affirmant parler au nom du groupe.

«Nous sommes responsables des attaques de Mubi et Gombe», a déclaré Abul Qaqa, qui s'est déjà exprimé plusieurs fois au nom de Boko Haram, et parlait au téléphone à des journalistes dans la ville de Maiduguri (nord-est).

Trois attaques séparées ont fait au moins 28 morts dans ces localités depuis jeudi soir, dont la dernière a fait 17 tués et visait un groupe de chrétiens en deuil à Mubi.

«Ces attaques sont l'une des conséquences de la fin de notre ultimatum», a expliqué Abul Qaqa.

Cet ultimatum, fixé par ce même porte-parole de Boko Haram et qui avait expiré mercredi soir, ordonnait aux chrétiens vivant dans le nord du Nigeria de quitter cette partie du pays majoritairement musulman.

Le sud du Nigeria, une nation de 160 millions d'habitants, est lui à dominante chrétienne. Cependant, des millions de musulmans vivent dans le sud et des millions de chrétiens dans le nord, où le président Goodluck Jonathan a instauré l'état d'urgence le 31 décembre dans plusieurs régions à la suite d'une série de violentes attaques anti-chrétiennes le jour de Noël.

Vendredi, le porte-parole de Boko Haram a posé  comme condition à la fin de ces attaques que le gouvernement central libère tous les membres de l'organisation actuellement détenus.

«Nous étendons notre zone d'action à d'autres régions pour démontrer que l'état d'urgence proclamé par le gouvernement nigérian ne nous dissuade pas (...), nous pouvons frapper partout où nous voulons», a-t-il par ailleurs affirmé.

Des hommes armés ont ouvert le feu sur un rassemblement de chrétiens en deuil, tuant dix-sept personnes dans l'État d'Adamawa, dans le nord-est du Nigeria, ont indiqué vendredi à l'AFP des témoins et un responsable des services de secours.

«Il y a eu une attaque hier soir à l'hôtel Good Will au cours de laquelle cinq personnes ont été tuées, toutes (de l'ethnie) Igbo. Aujourd'hui (vendredi), les proches et amis de l'une de ces personnes se sont rassemblés dans sa maison pour pleurer sa mort», a déclaré à l'AFP Zubairu Abdulaziz, un habitant de Mubi, où ont eu lieu ces attaques.

L'ethnie igbo, originaire du sud du Nigeria, est chrétienne.

«Malheureusement, des hommes non identifiés sont arrivés dans la maison et ont abattu 17 personnes endeuillées», a poursuivi cette source.

D'autres habitants ont livré des témoignages similaires.

Un responsable de l'agence nationale de secours a indiqué, sous couvert d'anonymat et citant des habitants, que trois personnes avaient été tuées jeudi soir et 16 ou 17 autres dans l'attaque de vendredi, à Mubi.

Il s'agit de la dernière attaque en date au Nigeria contre des chrétiens.

Jeudi soir, des hommes avaient ouvert le feu sur des fidèles qui priaient dans une église de Gombe (nord), tuant six personnes.

L'attaque n'a pas été revendiquée. La police a refusé d'indiquer si elle soupçonnait Boko Haram, précisant qu'une enquête était en cours.

De nombreuses attaques ont été imputées par les autorités à cette secte qui multiplie depuis des mois des actions de plus en plus sophistiquées et meurtrières.

Boko Haram a notamment revendiqué l'attentat-suicide d'août 2011 contre le QG de l'ONU dans la capitale Abuja qui a fait 25 morts. Ses opérations semblent avoir pris une nouvelle dimension avec une vague d'attentats le jour de Noël (49 morts) visant en particulier des églises.

Beaucoup craignent une flambée de violences interconfessionnelles. Des responsables chrétiens ont menacé récemment de se défendre si des chrétiens étaient à nouveau visés.

«Nous n'appelons pas les chrétiens à la vengeance, mais nous les appelons à être en état d'alerte et à se protéger, à protéger leurs familles et leurs biens contre ces attaques», a réagi vendredi le chef de la principale organisation chrétienne du nord, la CAN.

Le président Goodluck Jonathan a décrété le 31 décembre l'état d'urgence dans des États du centre et du nord-est concernés par les violences de Boko Haram, mais cela n'a pas empêché de nouvelles attaques. Gombe n'est pas concernée par la mesure.

Mercredi soir, des explosions ont secoué deux villes du nord-est où la mesure est en vigueur. Les attaques, revendiquées par le porte-parole de Boko Haram qui avait lancé l'ultimatum aux chrétiens, n'auraient pas fait de morts.

Mardi, des hommes armés ont pris d'assaut un commissariat de police dans l'État de Jigawa (nord), qui n'est pas concerné par l'état d'urgence. Une adolescente a été tuée et un officier blessé.

La multiplication des attaques attribuées à Boko Haram a créé un climat de peur et beaucoup expriment leur frustration face aux autorités jusqu'à présent incapables d'empêcher les extrémistes d'agir.

Le Nigeria est d'autant plus sous tension actuellement que le président a annoncé la suppression le 1er janvier des subventions des prix du carburant. La mesure, largement impopulaire, a fait plus que doubler les prix de l'essence.

Des manifestations de Nigérians en colère, parfois dispersées à coups de matraque ou de gaz lacrymogènes, ont depuis lieu chaque jour à travers le pays.

Boko Haram a affirmé vouloir une application stricte de la charia dans le pays. La secte avait lancé une insurrection en 2009, violemment réprimée par l'armée, faisant environ 800 morts.

On sait peu de choses sur le groupe qui serait divisé en plusieurs factions, dont une ayant des liens politiques et une autre une idéologie islamiste très dure. Certains le soupçonnent de liens avec la branche maghrébine d'Al Qaïda, mais aucune preuve n'a été apportée.