Le président de l'Assemblée nationale du Mali, qui avait été contraint à l'exil après le coup d'État du mois dernier, est revenu samedi dans ce pays en crise, marquant la première étape du processus devant y réinstaurer l'ordre constitutionnel.

Dioncounda Traoré, âgé de 70 ans, se trouvait, par chance, au Burkina Faso voisin, le 21 mars, lorsque des soldats mécontents ont donné l'assaut du palais présidentiel à Bamako, la capitale malienne, renversant le président démocratiquement élu et mettant fin à deux décennies de démocratie. Alors que d'autres ministres et aides du président déchu ont été immédiatement arrêtés, M. Traoré est demeuré libre, bien que ne pouvant pas rentrer chez lui par peur d'être arrêté.

Seize jours après le coup d'État au Mali, le chef des putschistes a finalement accepté, sous la pression des dirigeants de la région, de céder le pouvoir et rétablir l'ordre constitutionnel. Une annonce intervenue quelques heures après la proclamation unilatérale de l'indépendance de la nation Azaouad, par les insurgés touaregs qui ont pris le contrôle du nord du pays.

Flanqué de plusieurs ministres des pays de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), le capitaine Amadou Haya Sanogo est sorti vendredi soir de son bureau, dans la base militaire d'où était partie la mutinerie le mois dernier, et a lu le texte de l'accord qu'il venait de signer. Le texte représente une grande avancée pour l'Afrique, et particulièrement pour la région troublée de l'Ouest du continent, où les coups d'États ou les tentatives de renversement du pouvoir demeurent monnaie courante.

L'accord rappelle que l'article 36 de la Constitution prévoit que le président de l'Assemblée nationale assure l'intérim en cas de vacance du pouvoir et forme un gouvernement d'intérim, chargé d'organiser de nouvelles élections.

Ainsi, dans l'éventualité d'une vacance de la présidence, ou en cas d'un empêchement absolu et définitif, les fonctions du président seront exercées par le président de l'Assemblée nationale. L'accord ne précise pas toutefois quel rôle jouera dans l'avenir la junte. Il ne fixe pas la date à partir de laquelle le président de l'Assemblée nationale assumera l'intérim, ni la durée de la transition avant la tenue des élections.

L'article 36 de la Constitution stipule que les nouvelles élections doivent se tenir dans les 40 jours. Mais l'accord signé vendredi précise que ce délai sera vraisemblablement prolongé, en raison de l'insurrection dans le nord du pays.

«En raison des circonstances exceptionnelles que traverse le pays, à cause de la crise institutionnelle et de la rébellion armée dans le nord qui ont sérieusement affecté le fonctionnement des institutions de la République et à cause de l'impossibilité d'organiser des élections en 40 jours comme le stipule la Constitution, a poursuivi Amadou Sanogo, il est indispensable d'organiser une transition politique avec l'objectif d'organisation des élections libres, démocratiques et transparentes».

Si le transfert du pouvoir vers une autorité civile est couronné de succès, cela marquera l'une des seules fois où des sanctions et la pression internationale auront réussi à renverser pacifiquement une prise de pouvoir militaire dans la région.

En Guinée, par contraste, il aura fallu un horrible massacre par la junte militaire et une tentative d'assassinat contre le leader du coup d'État pour que le pays se remette sur les rails à la suite de la prise de pouvoir par les armes en 2008. En Côte d'Ivoire, des mois de sanctions n'ont pas réussi à en déloger le président illégitime, qui a seulement cédé le pouvoir après des frappes aériennes des Nations unies.

Le 21 mars, à la tête d'un groupe de soldats mutins, Amadou Sanogo avait pris d'assaut le palais présidentiel, renversant le président Amadou Toumani Touré, qui s'était enfui.

L'accord conclu vendredi soir a été salué par le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, qui se trouvait aux côtés du capitaine Sanogo. Il a expliqué ensuite que les pays voisins du Mali avaient accepté de lever les sévères sanctions imposées en début de semaine par la CEDEAO, y compris la fermeture des frontières du pays. Le Mali enclavé importe tout son carburant et déjà de nombreux quartiers de Bamako sont privés d'électricité la moitié de la journée.

Un diplomate occidental en poste à Bamako restait prudent, dans l'attente de la mise en oeuvre de l'accord. «Il faut attendre de voir, a expliqué cette source qui a requis l'anonymat. J'espère certainement que c'est vrai et que le pays va retrouver un gouvernement civil pour que le Mali puisse se remettre sur pied».

L'annonce de l'accord a eu lieu quelques heures après la proclamation par les rebelles touaregs, qui se sont emparés de tout le nord du pays à la faveur de la confusion créée par le coup d'État, de l'indépendance de leur nation Azaouad. Les rebelles du Mouvement national de libération de l'Azaouad (MNLA), qui revendique l'autonomie de la région de l'Azaouad, foyer traditionnel des nomades touaregs, avaient lancé le 17 janvier un nouveau soulèvement dans le nord du pays.