Deux ans après avoir chassé du paysage audiovisuel une grande chaîne d'opposition, le président vénézuélien Hugo Chavez a lancé une nouvelle charge contre les médias privés, en menaçant de supprimer leur licence.

Pour le chef de l'Etat, partisan d'une «révolution socialiste» à la tête de ce riche pays pétrolier d'Amérique latine, certains éditoriaux résonnent comme une «conspiration».

«Ils sont en train de jouer avec le feu, de manipuler, d'inciter à la haine (...) tous les jours: télévisions, radios, presse écrite. Je dis simplement au peuple vénézuélien que cela ne va pas durer ainsi», a récemment lancé M. Chavez.

Lors de son propre programme «Allô Président», diffusé chaque dimanche par la télévision publique, il a rappelé aux propriétaires des stations privées que l'autorisation d'émission accordée par les autorités n'était pas éternelle.

«Qu'ils ne se prennent pas pour les maîtres de l'espace électromagnétique», a averti le président vénézuélien, en promettant une «petite surprise» aux plus récalcitrants.

Une menace qui évoque directement le sort réservé à RCTV (Radio Caracas Television), la plus ancienne et populaire chaîne privée du pays, brutalement écartée des ondes pour son ton acerbe envers le pouvoir.

En mai 2007, le gouvernement avait refusé le renouvellement de sa licence, provoquant une vague de protestation, incarnée par le mouvement étudiant, ainsi que l'indignation d'organisations internationales comme Reporters dans Frontières (RSF).

La chaîne a depuis repris ses émissions en les diffusant sur le câble par le biais d'un relais à Miami aux Etats-Unis, un lieu symbolique s'il en est: la capitale de la Floride est aussi celle des opposants au régime communiste de Cuba, qui compte Hugo Chavez pour principal allié.

Après RCTV, le gouvernement a désormais dans son collimateur la chaîne Globovision, propriété du puissant homme d'affaires vénézuélien Guillermo Zuloaga, qui incarne la «bourgeoisie» tant honnie par M. Chavez.

Alors que les journaux dirigés par l'opposition abondent au Venezuela, multipliant les attaques sans toujours s'embarrasser de déontologie, la chaîne est la dernière télévision qui diffuse, 24h sur 24, des programmes critiques ou humoristiques aux dépens du pouvoir.

Son retrait des ondes n'aurait toutefois qu'un impact politique, Globovision n'étant guère accessible par voie hertzienne que dans la capitale Caracas. La majorité des Vénézuéliens ne la reçoivent que sur le câble.

«Nous savons que nous sommes un petit cailloux dans la chaussure de Chavez et du gouvernement car nous sommes la seule chaîne qui dit des vérités», affirme son directeur Alberto Federico Ravell, dans un entretien à l'AFP.

Confessant pour seul péché celui d'«informer», ce dernier se plaint du traitement infligé à ses journalistes, privés d'accès au palais présidentiel.

Traité de «fou» par le président vénézuélien, le directeur de Globovision, qui lui reconnaît ses qualités de «grand communicateur», assure «prendre au sérieux» la menace d'une fermeture.

Globovision, qui existe depuis une quinzaine d'années et compte quelque 500 salariés dans l'ensemble du territoire, a déjà été traînée plusieurs fois devant la justice, notamment pour appel au meurtre contre le chef de l'Etat.

Il y a quelques jours encore, les autorités lui ont reproché d'avoir profité d'une légère secousse sismique pour tenter de semer la «panique» dans la population.

Le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), fondé par M. Chavez et qui contrôle la quasi-totalité des sièges au parlement, a dénoncé lundi le «terrorisme médiatique» et la «conspiration permanente» de la chaîne.