Au moins 22 policiers et neuf indiens ont trouvé la mort vendredi et samedi au cours d'affrontements dans le nord du Pérou, l'un des bilans les plus lourds depuis les derniers feux du conflit entre les guérillas et l'État de 1980 à 2000.

Et ce bilan n'est pas définitif, a reconnu samedi le premier ministre Yehude Simon. «Officiellement, il y a neuf indigènes morts. Je ne dis pas qu'il ne peut pas y en avoir plus, mais le Parquet et les centres de santé nous tiendront informés», a-t-il déclaré.

Selon la presse locale et d'autres sources, un total de 15 civils ont été retrouvés morts dans les hôpitaux de cette région située à 1.000 km au nord de Lima. Certains médias avancent même le chiffre de 25 morts civils.

Côté policier, le bilan s'est alourdi samedi matin lors d'une opération militaire lancée pour libérer 38 policiers retenus en otage depuis 24 heures par un millier d'indiens.

«Sur les 38 policiers pris en otage dans la station de pompage pétrolier dont ils assuraient la sécurité, 22 ont été récupérés vivants aujourd'hui (samedi) par l'armée, neuf ont été tués par les indigènes et sept sont portés disparus», a déclaré le général Miguel Hidalgo à la radio RPP.

Ce chef de l'état-major de la police n'a pas précisé s'il y avait des morts ou des blessés côté indien.

L'opération était inattendue, puisque le directeur général de la police Jose Sanchez Farfan avait annoncé quelques heures auparavant que les forces de l'ordre cherchaient à prendre contact avec le principal dirigeant des preneurs d'otage pour trouver une solution pacifique.

Les indiens entendaient ainsi riposter à une opération des forces de l'ordre pour dégager une route de la région bloquée par 2.500 indigènes.

Elle avait fait au moins 13 morts côté policier et provoqué l'ire des habitants de Bagua, Bagua Grande et Jaen, trois localités voisines.

Les victimes civiles ont été enregistrées aussi bien pendant la tentative de déblocage de la route que lors des émeutes qui ont suivi, marquées par des incendies de bâtiments publics et des pillages.

Un calme précaire régnait samedi à Bagua, a constaté un correspondant de l'AFP. Le couvre-feu a été maintenu pour une durée indéterminée de 15H00 à 06H00 locales et l'état d'urgence est en vigueur dans la région.

Le président péruvien Alan Garcia et son premier ministre ont dénoncé ces actes de violence, qui font selon eux «partie d'un complot contre la démocratie». Ils ont évoqué la possibilité d'un soutien étranger, sans donner davantage de détails.

L'État péruvien doit «répondre avec sérénité et fermeté», ajoute M. Garcia dans une déclaration écrite où il évoque des «méthodes identiques à celle employées par le Sentier lumineux».

Le conflit entre cette guérilla maoïste, le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA, guévariste) et les gouvernements péruviens successifs a fait 70 000 morts ou disparus entre 1980 et 2000.

Début avril, 65 ethnies amazoniennes se sont déclarées en guerre contre le gouvernement pour obtenir l'abrogation de décrets-lois adoptés en 2007-08, qui autorisent l'exploitation économique de leurs territoires et qu'elles jugent trop laxistes.

L'un des leaders du mouvement, Alberto Pizango, a dénoncé vendredi «un massacre commis par le gouvernement, dans le cadre d'un plan de cession des ressources naturelles aux entreprises étrangères qui inclut la privatisation de nos terres».

Il est depuis entré en clandestinité et le président du pouvoir judiciaire, Javier Villa Stein, a lancé un mandat d'arrêt contre lui pour sédition, conspiration et rébellion.