Q Pourquoi ce coup d'État, le premier en Amérique centrale depuis le début des années 90, a-t-il eu lieu?

Q Pourquoi ce coup d'État, le premier en Amérique centrale depuis le début des années 90, a-t-il eu lieu?

R Le président Manuel Zelaya avait décidé d'organiser un référendum très controversé pour modifier la Constitution de l'État. Celle-ci, au Honduras, limite les présidents à un seul mandat de quatre ans. Or, M. Zelaya, élu en 2005, voulait pouvoir se présenter à nouveau. La Cour suprême du pays s'opposait à ce référendum. Tout comme les membres du Congrès et l'armée, qui a décidé d'intervenir.

Q Quel genre de président était Manuel Zelaya?

RLorsqu'il a été élu, il se présentait comme un conservateur. Au pouvoir, il s'est plutôt comporté comme un émule d'Hugo Chavez, président du Venezuela et fils spirituel de Fidel Castro. «Zelaya a fait une conversion idéologique assez emarquable. Il vient du Parti libéral. De la droite. Au Honduras, c'est la droite qui gouverne depuis toujours. Mais il a fait un virage à gauche à la Chavez», indique le directeur de l'Observatoire des Amériques de l'UQAM, Victor Armony.

Q Dans la capitale, plusieurs manifestants défiaient hier les militaires. Un appel à la grève a été lancé par des organisations syndicales. Que pensent les habitants du Honduras de ce coup d'État?

R»Je suis sûr qu'entre 80 et 90% de la population du Honduras est heureuse de ce qui s'est passé aujourd'hui», a soutenu hier le président désigné, Roberto Micheletti, ancien président du Congrès. «Je me méfierais hautement de ces déclarations», affirme pour sa part Stéphanie Rousseau, spécialiste de l'Amérique latine qui enseigne la sociologie à l'Université Laval. «Il n'a pas donné de preuves tangibles. S'il était aussi sûr de l'appui populaire, je me demande pourquoi il déclarerait un couvre-feu pendant 48 heures», lance-t-elle.

Q La situation pourrait-elle dégénérer?

R Le mot d'ordre, hier, était «dialogue». Tant le président américain que les représentants de l'Union européenne ont signalé leur désir de favoriser des discussions pour résoudre la crise. Jusqu'ici, sur le terrain, la situation ne s'est pas encore envenimée. «C'est une crise institutionnelle plus qu'une crise politique au sens large», estime le directeur de l'Observatoire des Amériques de l'UQAM, Victor Armony.

Q Comment a réagi le président déchu?

R «Je suis président du Honduras», a-t-il lancé, peu de temps après avoir été déporté aux Costa Rica par l'armée de son pays. M. Zelaya s'est dit «victime d'un kidnapping». Il s'est ensuite rendu au Nicaragua où il a participé, hier, à un sommet des présidents d'Amérique centrale. Aujourd'hui, il devrait prendre la parole aux Nations unies. Il espère toujours être en mesure de reprendre la tête du Honduras.

Q On a entendu hier aux quatre coins du monde des appels pour que le président déchu soit rétabli dans ses fonctions. Y compris aux États-Unis où le président Obama a dit que Washington considère toujours M. Zelaya comme le président du Honduras. Quelles sont ses chances de faire un retour?

R Un retour est possible, mais pas certain, affirme Stéphanie Rousseau de l'Université Laval. Cette spécialiste rappelle qu'en 2002, à la suite d'un scénario «relativement similaire» au Venezuela, Hugo Chavez était revenu au pouvoir rapidement. «Les militaires et le Congrès au Honduras sont dans une position extrêmement précaire, dit-elle. Ils vont être très isolés au sein de la communauté internationale. Ils devront à tout prix être ouverts à un dialogue important qui va inclure le président Zelaya lui-même. Il restait environ six mois à son mandat. Ce sera difficile pour le régime en place de le tenir à l'écart. Mais ce n'est pas impossible.»