L'Uruguay confirme son statut de pionnier en matière de moeurs en Amérique latine, en étant le premier pays de cette région plutôt conservatrice en passe d'autoriser l'adoption par les couples homosexuels.

La chambre des députés de ce petit pays de 3,4 millions d'habitants a adopté jeudi un projet de loi en ce sens «par 40 voix sur 53», a déclaré à l'AFP Jaime Trobo, député du parti national (opposition).

Le texte doit encore retourner au Sénat, puisque les députés ont apporté quelques modifications de pure forme au projet initial, mais il s'agit d'une formalité puisque la chambre haute l'avait déjà adopté en première lecture.

Le collectif Moutons noirs, qui regroupe les gays, lesbiennes et transsexuels, n'a d'ailleurs pas attendu pour crier victoire devant le parlement. «Nous ressentons une joie profonde», a déclaré à l'AFP l'un de ses membres Mauricio Coitino.

A l'inverse, l'archevêque de Montevideo, Nicolas Cotugno, a dénoncé un projet qui ne «respecte pas l'intérêt supérieur de l'enfant».

Avant l'Uruguay, seule une poignée de pays avait déjà autorisé les couples homosexuels à adopter des enfants.

En Europe, le premier fut les Pays-Bas en 2001, rejoint par la suite par la Suède, l'Angleterre, le pays de Galles, l'Espagne, l'Islande, la Belgique, la Norvège et le Danemark.

Aux Etats-Unis, deux femmes ont pu légalement adopter un enfant pour la première fois en 1986 en Californie. Depuis, 14 Etats ont suivi le mouvement et la majorité des provinces canadiennes permettent aussi aux couples gays d'adopter.

C'est également le cas dans deux Etats australiens et en Afrique du Sud depuis 2002.

L'an dernier, le parquet israélien a aussi facilité les démarches pour les couples homosexuels souhaitant adopter des enfants.

En Amérique latine, plus grande région catholique de la planète avec plus de 500 millions de fidèles, cette décision s'apparente néanmoins à une grande première.

L'Uruguay, petit pays de 3,5 millions d'habitants, s'était déjà démarqué de ses voisins plutôt conservateurs sur le plan des moeurs en autorisant l'an dernier une union civile entre gays, similaire au Pacs en vigueur en France.

En mai, Tabare Vazquez, premier président de gauche de l'histoire de l'Uruguay, a également aboli une règle qui interdisait aux homosexuels l'accès aux écoles militaires en raison de leur «trouble d'identité».

«L'Uruguay a une longue tradition d'avant-garde en faveur des droits des minorités, une volonté d'avancer rapidement sur ces questions», avait alors expliqué à l'AFP Adolfo Garcé, professeur en sciences sociales à l'Université de la République de Montevideo.

La forte immigration d'Européens au XXe siècle, notamment des Espagnols ayant fui la guerre civile, a doté le pays d'une «culture politique progressiste et laïque», expliquait-il. Sous cette influence, l'Uruguay fut le premier pays latino-américain à légaliser le divorce en 1907 ou à accorder le droit de vote aux femmes en 1932.

En revanche, les Uruguayennes n'ont toujours pas le droit d'avorter. A la surprise générale, le président et ancien médecin Tabaré Vazquez avait mis l'an dernier son veto à un projet de loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse, en invoquant des «principes éthiques».