Fidel Castro ne s'en est jamais caché: il voit la CIA dans sa soupe, attribuant aux services secrets américains plus de 600 tentatives d'assassinat. Un nouveau livre publié la semaine dernière démontre que la méfiance de l'ex-président cubain n'est pas sans fondement: dans les années 60, l'agence de renseignements avait des sources jusque dans sa famille immédiate.

Dans Fidel et Raúl, mes frères. L'histoire secrète, une des soeurs cadettes des deux chefs révolutionnaires, Juanita Castro, raconte qu'au début des années 60, elle a travaillé pour la CIA. En 1964, elle s'est exilée en Floride où elle a été propriétaire d'une pharmacie jusqu'à sa retraite.

 

Dans ses mémoires publiés en espagnol uniquement sous la plume de la journaliste Maria Antonieta Collins, Juanita Castro, aujourd'hui âgée de 76 ans, raconte qu'elle était d'abord en faveur de la révolution et y a même contribué. Cependant, elle a vite déchanté quand elle a vu son frère tourner le dos à son idéal de démocratie nationaliste pour porter allégeance au marxisme-léninisme «afin de garder le pouvoir», suggère-t-elle.

En 1961, deux ans après la Révolution, Juanita Castro s'est rendue en catimini au Mexique pour rencontrer un agent de la CIA surnommé Enrique. Ce dernier lui a donné le nom de code de Donna et des instructions. Juanita Castro a posé ses conditions: elle ne voulait en aucun cas commettre d'actes de violence contre Fidel ou Raúl.

De retour à Cuba, lorsqu'elle entendait une chanson de Madame Butterfly sur la radio à ondes courtes qui lui a été fournie, «Donna» savait qu'elle devait se rendre à une boîte aux lettres située au milieu d'une route désertée où d'autres directives l'attendaient. Son rôle, explique-t-elle, était principalement d'aider des opposants à Fidel Castro à fuir le pays. Jusqu'à la mort de sa mère, elle a caché plusieurs d'entre eux dans la maison familiale, sachant que son frère aîné n'oserait pas y sévir.

Mme Castro dit n'avoir pas été payée pour sa collaboration avec la CIA.

«Ai-je éprouvé des remords en acceptant de rencontrer les ennemis de Fidel? demande Mme Castro, dans le livre publié par le Grupo Santillana. Il a trahi des milliers d'entre nous qui ont souffert et se sont battus pour la révolution qu'il offrait. Une révolution généreuse, juste, qui devait amener la démocratie à Cuba et qui, comme Fidel le promettait, serait aussi cubaine que les palmiers.»

À Cuba, le livre a eu peu d'échos. Une revue cubaine qui y a consacré un reportage l'a qualifié «d'opération commerciale de mauvais goût et de basse moralité», ajoutant cependant que «la publicité des ennemis de la révolution aide à éclairer les faits».

Avec l'AFP, Reuters, Time Online