De l'ambassade où il est réfugié, le président hondurien déchu parle à La Presse.

Appuyés contre un mur, l'air hagard, les agents de la police nationale ont l'air de s'ennuyer ferme. Voilà 75 jours qu'ils montent jour et nuit la garde devant l'ambassade du Brésil de Tegucigalpa. Leur seul espoir: voir apparaître Manuel Zelaya et son célèbre chapeau de cowboy.

Le président hondurien, victime d'un coup d'État en juin, y est installé depuis le 21 septembre.

Au début, ils étaient 300 à vivre, dormir et manger avec lui et sa femme. Hier, ils n'étaient plus que 16. Dans la rue, à l'extérieur du périmètre de sécurité gardé par la police et l'armée, les manifestations des débuts ont fait place à la circulation de tous les jours.

«On pense que ça ne sera plus très long», laisse tomber le chef des policiers. Un fusil automatique à la main, le jeune policier dans la trentaine explique que son mandat est tout ce qu'il y a de plus clair. «Dès que Zelaya sortira, nous le capturerons. Il aura alors deux choix: faire face à la justice, ou l'exil.» Le régime militaire veut accuser Manuel Zelaya d'abus de pouvoir.

Changement de cap

Laquelle de ces options choisira le président déchu? Jusqu'à mercredi, ses supporteurs exigeaient que celui qui a été élu en 2005 reprenne le pouvoir jusqu'à la fin de son mandat, le 27 janvier prochain. Cependant, dans l'après-midi, ils ont changé d'avis.

Leur décision fait suite au vote qu'ont pris les membres du Congrès du Honduras. À 111 voix contre 14, les députés ont voté contre le retour de Zelaya. Le leader de facto du pays, Roberto Micheletti, soutenu par l'armée, gardera les rênes jusqu'à ce que le nouveau président élu dimanche dernier, Porfirio «Pepe» Lobo, prenne le pouvoir.

Joint par La Presse au téléphone hier après-midi - le seul moyen de communication qui le relie à l'extérieur -, le président déchu affirme qu'il partage leur décision. «(Mon retour) n'était plus un objectif atteignable. Il y a maintenant une dictature au Honduras. Elle a été institutionnalisée par les élections de dimanche et par le vote au Congrès. Les responsables du coup d'État et le futur gouvernement font front commun. La démocratie hondurienne est morte», laisse-t-il tomber.

La voix au bout du fil est triste, irritable. Manuel Zelaya monte le ton quand on lui demande les possibilités qui s'offrent à lui. Sortira-t-il de l'ambassade qui est devenue sa prison? Négociera-t-il avec le nouveau président? À ces questions, Manuel Zelaya refuse de répondre.

Se sent-il abandonné par ses supporteurs? «Mon seul intérêt est la démocratie. Que la résistance me soutienne ou non n'est pas la question. Ce qui est important, c'est qu'elle continue à se battre pour rétablir la justice.»