Le président socialiste de la Bolivie, Evo Morales, a été réélu triomphalement dimanche au premier tour de l'élection présidentielle, avec 61 à 63% des voix et un contrôle total du Parlement qui, a-t-il dit, lui donne le devoir d'«accélérer le changement».

Morales, pilier de la gauche radicale d'Amérique latine, a été reconduit avec près de 10 points de plus que les prévisions des sondages pré-électoraux, confirmant l'assise populaire du premier chef d'État indien (aymara) de la Bolivie en 184 ans d'indépendance.

«Le peuple bolivien a de nouveau fait l'Histoire», a lancé Morales, du balcon du Palais présidentiel à plus de 3000 partisans, qui depuis des heures célébraient sa victoire sur la place d'Armes de La Paz, dansant et scandant «Evo! Evo!», «Evo de nuevo!» (de nouveau).

«Cette majorité de plus des deux-tiers des députés et sénateurs nous fait obligation, me fait obligation, d'accélérer le processus de changement» de la Bolivie, a-t-il affirmé.

Selon les sondages sorties des urnes de trois instituts, confirmés par des projections du décompte, Morales distance de près de 40 points son premier rival de droite, l'ex-militaire et gouverneur provincial Manfred Reyes Villa, à 23-25% des voix.

L'entrepreneur et ex-ministre de centre-droit Samuel Doria Medina, est crédité de 7% à 10%.

Le parti présidentiel, le Mouvement vers le socialisme (MAS), recueillerait 24 ou 25 des 36 sièges du Sénat, soit la majorité absolue des deux-tiers. Il était déjà majoritaire à la Chambre des députés.

Le contrôle du Parlement garantit au gouvernement une mise en oeuvre sans entrave de sa «refondation» socialiste et pro-indigène du pays, sur la base de la nouvelle Constitution adoptée en janvier 2009.

Il lui permet surtout le cas échéant d'amender la Constitution, par exemple sur le nombre de mandats présidentiels -deux consécutifs actuellement.

Il lui donne enfin les mains libres pour les hautes nominations, dans la justice en particulier.

Une toute-puissance du MAS est redoutée par l'opposition et préoccupe aussi des observateurs indépendants.

La droite dénonce un risque de dérive despotique de la part de Morales, dans la lignée du président vénézuélien Hugo Chavez, son allié et mentor de la gauche radicale latino-américaine.

Morales a d'ailleurs laissé planer dimanche matin la possibilité d'un 3e mandat, estimant que sur la base d'une nouvelle Constitution, son 2e mandat peut-être considéré «comme une première élection».

L'Equateur du socialiste Rafael Correa, lui-même réélu en avril, a été le premier à féliciter Morales, qualifiant son élection d'«historique» et de «triomphe pour la démocratie bolivienne et de la région».

Les élections générales se sont déroulées dans un climat de «tranquillité et de paix» selon la mission d'observateurs de l'Union européenne.

Le climat contraste avec la tension de 2007-08, qui poussa le pays au bord de la guerre civile, après une fronde autonomiste dans l'Est prospère, fief de l'opposition, et des violences politiques qui firent des dizaines de morts.

«La polarisation politique continue», a dénoncé dimanche soir le candidat battu Reyes Villa, promettant de lutter au Parlement dans la «tranchée de la démocratie» contre des abus de pouvoir.

Le score de Morales fait de lui l'homme d'État le plus populaire en Bolivie depuis le nationaliste Victor Paz Estensorro il y a près de 50 ans.

Cela alors que Morales, sa rhétorique anti-libérale, ses alliances (Venezuela, Iran), restent éminemment suspectes aux yeux de l'Occident. Tout comme le poids du narcotrafic en Bolivie, 3e producteur mondial de cocaïne.