En lavant le comptoir de la cantine qu'elle exploite dans le marché central de la capitale du Honduras, Mirna Gonzales raconte comment les militaires de son pays l'ont obligée à prendre des vacances. Ses premières en 21 ans.

Le matin du 28 juin, comme les 7,3 millions de citoyens du pays le plus pauvre d'Amérique centrale, la propriétaire du Comedor Lilian a appris que le président du pays, Manuel Zelaya, avait été arrêté dans la nuit puis expulsé au Costa Rica par l'armée.

Le coup d'État, premier du genre en Amérique latine depuis la fin de la guerre froide, allait être suivi d'un état de siège de plusieurs jours.

Habituée à travailler sept jours sur sept, 12 heures par jour, la grand-mère aux cheveux poivre et sel a fermé boutique pendant une semaine. Avec ses filles et sa petite-fille, elle s'est cloîtrée dans sa maison et a épié par la fenêtre les centaines de militaires qui ont quadrillé les rues de Tegucigalpa. «Il y avait beaucoup de tension dans l'air. On n'a pas eu de radio et de télévision pendant deux jours et les supermarchés étaient fermés», se rappelle-t-elle.

Tout ça maintenant est histoire du passé, évalue Mme Gonzales en coupant un avocat. La vie a repris. Il y a moins de clients au marché qui viennent goûter ses mets traditionnels, mais des élections ont eu lieu dimanche dernier et le Honduras s'est donné un nouveau président, Porforio Lobo. Il doit prendre les rênes du pays en janvier.

Rejeté par les députés du Congrès hondurien, Manuel Zelaya a renoncé à l'idée de revenir au pouvoir, et les manifestations de ses supporters se font rares. «Vous savez ce que le coup d'État vient de démontrer? Si un président ne nous écoute pas, on va le mettre à la porte», conclut Mirna Gonzales.

Un fusil sur la tempe

Dans le bureau de Radio Globo, l'animateur Roni Martinez partage en partie l'opinion de la restauratrice. «C'est vrai, le coup au Honduras a prouvé qu'il est possible de se débarrasser d'un président, mais ce ne sont pas les Honduriens qui l'ont fait, c'est l'armée. Et l'armée peut recommencer si bon lui semble», dit le responsable du bulletin d'information de Radio Globo, réputée proche du camp de Zelaya.

Il a d'ailleurs été aux premières loges de la répression politique qui a suivi le coup d'État. Quelques heures seulement après que Zelaya eut été destitué, des militaires sont entrés dans le petit studio d'enregistrement. Roni Martinez s'est vite retrouvé ventre contre terre, un fusil sur la tempe. «Tout ce qu'on faisait, c'était de dire en ondes qu'un coup d'État venait de se produire», note-t-il. Cette version contredisait celle de l'armée, qui affirmait faire respecter une décision de la Cour suprême contre Zelaya.

Depuis le 28 juin, Radio Globo, qui diffuse tous les jours une entrevue avec le président déchu, a été fermée à répétition. De l'équipement lui a été subtilisé. Les employés ont été arrêtés, puis relâchés. Maintenant, par décret du Congrès, la radio ne peut plus inviter la population à la résistance.

Radio Globo n'a pas été la seule cible de la police et de l'armée depuis le coup. Affirmant chercher des armes illégales, les forces de l'ordre ont ratissé à peu près tous les médias et les organisations pro-Zelaya. «C'est un retour de 50 ans en arrière. Un retour aux dictatures latino-américaines», se désole Roni Martinez. À l'époque, un coup d'État n'attendait pas l'autre.

Comme ses concitoyens qui se sont opposés au renversement du président, Roni Martinez en veut aux pays qui ont reconnu le résultat de l'élection du 29 novembre, organisée par les responsables du coup. Le Costa Rica, la Colombie et le Panama sont du nombre. «Tous les leaders de l'Amérique latine qui ont donné leur assentiment au coup ont probablement signé leur suicide politique», soupire le journaliste.

Quelques leaders latino-américains craignent eux aussi que le coup hondurien ne provoque un effet domino dans la région. Du Brésil, le président Iñacio Lula da Silva a émis un avertissement: «Si les choses restent comme elles sont au Honduras, la démocratie sera à risque partout en Amérique latine et centrale.»

Pour joindre notre journaliste: laura-julie.perreault@lapresse.ca