Le dimanche 13 décembre aura lieu le premier tour de l'élection présidentielle au Chili. Un politicien indépendant, Marco Enriquez-Ominami, se présente comme le candidat du changement. Il pourrait peut-être brouiller les cartes. Notre collaboratrice a suivi la campagne de cette véritable vedette de la politique chilienne... et ainsi côtoyé bon nombre de ses admiratrices.

À son passage, les voitures ralentissent, certaines klaxonnent en signe de soutien, les cyclistes descendent de leur bicyclette pour le voir, les gens sortent sur le trottoir des épiceries, des buvettes et des boucheries pour le saluer, d'autres se penchent de leur balcon. Tous sourient, les yeux brillant. 

«Il m'a envoyé un baiser», s'écrie Patricia. Et sa copine qui l'accompagne faire ses courses de rétorquer: «Non, j'ai bien vu, c'est moi qu'il regardait! C'est mon baiser!»

Une vedette du rock? Plutôt le candidat indépendant Marco Enriquez-Ominami. Debout à l'arrière d'une camionnette qui avance à 30 km/h, les cheveux dans le vent, le député de 36 ans salue les gens d'un quartier populaire de Santiago en levant deux doigts, en référence à sa deuxième position sur le bulletin de vote.

Lorsqu'il descend pour saluer les gens au marché, c'est la cohue. De loin, Myrta, qui surveille ses fruits et légumes, lui lance: «Quitte ta femme pour moi!» Tandis que Sabrina, qui a eu sa bise, s'enquiert auprès de l'équipe de campagne: «Et Karen, elle est où?»

Karen Doggenweiler est aussi médiatique que lui, voire plus. Son épouse est une animatrice-vedette du petit écran, extrêmement aimée des Chiliens. Elle mène campagne dans tout le pays, pour son mari.

Jeunes et beaux

Ils sont jeunes, ils sont beaux, mais est-ce suffisant pour gagner une élection présidentielle? Dans les sondages, Marco Enriquez-Ominami marque 19% des voix. Il est en troisième position, talonnant Eduardo Frei, le candidat de la coalition au pouvoir, qui marque 26%.

L'avantage de Marco? S'il devançait Eduardo Frei et passait au second tour, il marquerait plus de points face au candidat de droite, actuel meneur dans les sondages, Sebastian Piñera. «Il n'y a pas de «si», je vais passer au second tour», soutient ce cinéaste, qui a grandi en France, en exil.

«Mais comment compte-t-il diriger un pays sans aucune structure de parti derrière lui, sans aucune coalition de poids?» questionne le sociologue Manuel Antonio Garreton. «Impossible dans un pays qui traditionnellement repose sur deux blocs, la gauche et la droite.»

D'autant que son programme de gouvernement se résume jusqu'ici à un peu plus de 30 pages et à un mot: le changement.

»Le candidat rebelle»

Face à une coalition au pouvoir qui gouverne depuis deux décennies, Marco Enriquez-Ominami tente de s'imposer comme le jeune rebelle. La nouvelle figure qui donne un coup de jeune à la campagne.

Il a imposé des thèmes jusqu'ici tabous, comme l'avortement thérapeutique. Comme il le martèle: «Je suis libre en politique, libéral en économie, libertaire dans le domaine de la moralité.»

Lorsque le coup d'État fomenté par les militaires éclate, le 11 septembre 1973, Marco n'a que 3 mois. Et si son père, mort quelques mois après sa naissance, était un révolutionnaire de gauche, lui cherche à dépasser les anciens clivages entre une gauche qui a lutté contre la dictature d'Augusto Pinochet et une droite qui l'a soutenue.

Son équipe de campagne compte des gens de gauche comme de droite. Lui-même évite les étiquettes politiques, même s'il appartenait jusqu'à sa candidature au parti socialiste. Qu'il gagne ou qu'il perde, Marco Enriquez-Ominami aura déjà marqué une victoire. Il a posé la question du renouvellement de l'élite politique et de son fonctionnement au Chili.