Le Chili s'apprête à virer à droite après 20 ans de gouvernement de centre-gauche depuis la fin de la dictature, dimanche lors d'élections générales, où l'entrepreneur milliardaire Sebastian Pinera est favori pour succéder à la présidente socialiste Michelle Bachelet.

Modèle économique de la décennie en Amérique latine, le pays du cône Sud sort éprouvé de 12 mois de croissance négative, tempérés toutefois par une politique sociale agressive, qui a valu à Mme Bachelet, première femme présidente du Chili, une popularité historique, à 75-80%.

Mais la présidente chérie des Chiliens, pour sa simplicité, sa chaleur et sa tranquille «différence» dans une société conformiste, ne peut se représenter pour un second mandat consécutif, selon la Constitution.

Candidat de la Concertation, la coalition de quatre partis du centre et centre-gauche au pouvoir depuis 1990, le démocrate-chrétien Eduardo Frei, 67 ans, n'a jamais paru en mesure de profiter de l'héritage de Mme Bachelet. Ni de personnifier l'avenir, lui qui a été président de 1994 à 2000.

Sebastian Pinera sent son heure venue. Cet énergique sexagénaire, considéré comme l'un des hommes les plus riches du Chili -le magazine Forbes évalue son patrimoine à 1,2 milliards de dollars- est parvenu à incarner l'idée d'une droite qui ne fait plus peur.

Selon les sondages, il devancerait M. Frei au premier tour de 10 points ou plus. Et il l'emporterait confortablement au second tour le 17 janvier, avec 49% contre 32% à M. Frei.

M. Pinera, battu au second tour en 2005 par Mme Bachelet, a promis de ne pas toucher au filet social mis en place par les gouvernements récents, ni de remettre en cause la ligne macro-économique prudente qui a valu au Chili, en pleine crise, les louanges appuyées des institutions internationales.

Le Chili devrait finir l'année à -2% de croissance, mais il lorgne déjà sur une reprise à 4-5% en 2010, dopé par la remontée des cours de son produit vedette: le cuivre. Le métal rouge, dont le Chili est premier producteur au monde, pèse 45% des exportations.

Mais à un pays où l'emploi a piqué du nez en 2009, avec 9,7% de chômage, M. Pinera, surnommé le «Berlusconi chilien», a promis de revitaliser un esprit d'entreprise assoupi selon lui par quatre gouvernements de centre-gauche.

L'entrepreneur multicartes, aux intérêts dans l'aviation, les médias, l'immobilier, la monétique ou la santé, a promis de créer «un million de nouveaux emplois», sa formule-choc et sa priorité, avec la lutte contre l'insécurité.

Un outsider, l'indépendant Marco Enriquez-Ominami, télégénique ex-député socialiste de 36 ans, fils d'un militant d'extrême-gauche abattu sous la dictature, a bousculé la scène politique, se posant en candidat d'une génération post-dictature.

Après une percée initiale, M. Enriquez a plafonné à 18% d'intentions de vote. Le report incertain de ses voix, mordant dans l'électorat de gauche mais aussi à droite, pourrait s'avérer décisif au second tour.

L'élection de M. Pinera marquerait un retour de la droite au pouvoir par les urnes pour la première fois depuis 51 ans, et le président Jorge Alessandri.

Lui succédèrent un centriste -le père d'Eduardo Frei- et le socialiste Salvador Allende, avant la longue nuit de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-90), qui fit 3 100 morts et disparus. Un souvenir qui s'efface, malgré la mobilisation de la gauche chilienne.