Trois employés et ex-employés d'une compagnie minière canadienne ont été arrêtés au lendemain du meurtre du leader d'un groupe écologiste le mois dernier au Mexique. Depuis, la mine exploitée par Blackfire Exploration Ltd, une entreprise de Calgary, a été fermée: le gouvernement mexicain affirme qu'elle enfreignait les lois sur la pollution. Une controverse qui entache l'image du Canada à l'étranger.

Les tueurs sont arrivés à moto. Mariano Abarca Roblero, 51 ans, marié et père de quatre enfants, discutait devant chez lui lorsqu'une volée de balles l'a atteint au torse. Un ami a aussi été blessé. Les tueurs ont roulé jusqu'au coin de la rue et ont disparu dans la nuit.

 

C'était le soir du 27 novembre à Chicomuselo, une petite ville située près de la frontière avec le Guatemala, dans le sud du Mexique, mais qui a un lien direct avec le Canada.

C'est là que Blackfire Exploration exploite une mine de baryte, un minerai utilisé dans la prospection pétrolière.

M. Roblero était le résidant le plus connu de la région. Il dirigeait un groupe de citoyens qui dénoncent la pollution engendrée par la mine.

Dans une entrevue prémonitoire enregistrée peu avant son assassinat, il affirme avoir été personnellement menacé par des employés de Blackfire, une entreprise canadienne dont le siège social est à Calgary.

«Il n'y a aucune autorité, ici. Les employés (de la mine) font ce qu'ils veulent et personne ne fait quoi que ce soit», expliquait-il.

Le militant affirmait que le gouvernement local marche main dans la main avec Blackfire Exploration. L'entreprise a depuis admis avoir payé 10 000 pesos par mois (834$) à la ville, en guise de «protection».

«Les forces de sécurité sont pratiquement au service (de Blackfire), avait noté M. Roblero. C'est ce que nous avons réalisé depuis le début.»

Trois arrestations

Quelques jours après le meurtre, 250 manifestants ont protesté devant l'ambassade canadienne à Mexico. À Chicomuselo, trois hommes ont été arrêtés relativement au meurtre. Il s'agit d'un employé, d'un ex-employé et d'un sous-traitant faisant affaire avec Blackfire Exploration.

Alexandra Halkin, coordonnatrice du Chiapas Media Project, est l'une des dernières journalistes à avoir parlé à M. Roblero, cet automne. Elle a depuis diffusé son entrevue sur YouTube.

«C'était intéressant de parler à M. Abarca Roblero. Il était un homme très calme, décidé à changer ce qu'il voyait autour de lui, dit-elle. Son mouvement était composé de gens du coin. Ils n'étaient pas liés aux grands groupes écologistes.»

M. Roblero avait reçu plusieurs fois des menaces de mort. L'été dernier, lui et son groupe avaient bloqué une rue menant à la mine, parce que des camions lourds passaient trop près des maisons des résidants et que la mine rejetait des résidus toxiques qui rendaient les bêtes malades. Des employés de la mine avaient alors menacé de s'occuper du cas de M. Roblero.

Le 17 août, M. Roblero a été enlevé par des hommes armés qui l'ont conduit en prison. Il est resté incarcéré durant huit jours, puis a été accusé d'avoir troublé l'ordre public, d'avoir conspiré et de faire partie du crime organisé.

Des accusations risibles, selon Mme Halkin. «Le Mexique utilise des lois anticartels pour arrêter des gens qui militent pour les droits de la personne. C'est très facile pour eux.»

Au Mexique, le meurtre a ramené à l'avant-plan la question de la pollution causée par les mines. Au début du mois, le gouvernement mexicain a fait fermer la mine exploitée par Blackfire. La porte-parole du ministère de l'Environnement du Mexique, Carolina Ochoa, a accusé Blackfire d'avoir construit des routes sans autorisation et d'avoir pollué l'environnement avec des émissions toxiques.

»Nous ne polluons pas»

La porte-parole a nié que la fermeture soit liée à l'assassinat de Mariano Abarca Roblero. La mine devrait rouvrir dans les prochaines semaines.

Cette semaine, le président de Blackfire Exploration, Brent Willis, a dit sur les ondes de CBC que sa mine «ne pollue pas». «Nous ne sommes impliqués d'aucune façon. Les autorités mexicaines ne nous ont pas contactés pour ce dossier. Nous voulons simplement continuer à exploiter la mine.»

Selon Kristin Bricker, correspondante à Mexico pour le site Narco News, qui suit le dossier depuis le début, il est impossible de savoir si les trois personnes arrêtées seront accusées puis jugées.

«La justice au Mexique est très inégale, dit-elle. Certaines personnes sont arrêtées, accusées et jugées. D'autres sont simplement relâchées quelques mois plus tard, faute de preuve. C'est un système hautement imprévisible.»

Pour Mme Halkin, les conditions qu'offre le Mexique aux entreprises étrangères permettent des comportements qui seraient impensables ailleurs en Amérique du Nord.

«C'est surprenant de voir qu'une entreprise canadienne peut s'établir au Mexique et y avoir un comportement qui serait impensable au Canada. Le gouvernement au Mexique n'est souvent pas en mesure de faire respecter les lois environnementales. C'est aux entreprises de montrer l'exemple. Dans ce cas-ci, l'entreprise n'a rien fait.»