Alors qu'il était ministre du gouvernement de Michèle Pierre-Louis, Jean-Max Bellerive a été promu premier ministre d'Haïti en octobre quand celle qui l'a précédé a été éclaboussée par la volatilisation d'un fonds d'urgence post-cyclonique de 197 millions US. Quel espoir pour Haïti? Entrevue avec le premier ministre Bellerive, en visite au pays ces jours-ci.

Q: Haïti est le deuxième bénéficiaire de l'aide canadienne dans le monde, après l'Afghanistan, et reçoit notamment 555 millions de l'Agence canadienne de développement international. Quels contrôles sont faits pour s'assurer que l'argent ne tombe pas dans les mains de personnes corrompues? R: Comme tous les fonds qui arrivent en Haïti, des procédures de vérification d'utilisation de l'argent sont en place. Cela étant dit, dans le cas des fonds qui passent par les ONG, il est très difficile de pouvoir faire des vérifications a priori. Nous ne sommes pas forcément partie prenante du choix des organismes qui vont recevoir (de l'argent). Nous choisissons les programmes en collaboration avec nos partenaires, nous faisons un suivi des programmes, mais le choix des opérateurs ne relève pas entièrement de nous.

Q: Vous parlez de l'attribution des contrats, par exemple?

R: Oui, par exemple. Cela étant dit, jusqu'ici, je n'ai pas d'indications à l'effet que l'argent provenant du Canada ait pu être détourné ou confié à des personnes non recommandables.

Q: Instabilité politique, crise alimentaire, insécurité, problèmes économiques... La liste des défis est longue. Quelle est votre priorité?

R: La création d'emplois. Haïti ne peut s'en sortir en s'en remettant seulement à l'aide publique. Il faut attirer des investisseurs locaux et internationaux afin que chaque Haïtien et chaque Haïtienne décroche un emploi et puisse subvenir à ses besoins.

Q: Justement, dans quels domaines Haïti peut-il être attrayant pour des gens d'affaires?

R: Nous avons des législations spécifiques qui permettent des avantages comparatifs extraordinaires pour les exportations vers les États-Unis. Cela peut être très avantageux dans le textile, par exemple. Autrement, nous voulons miser sur la transformation de certains produits agricoles, comme les mangues et le café. Enfin, le tourisme est aussi un pilier.

Q: Entrevoyez-vous le jour où les Casques bleus pourront se retirer d'Haïti?

R: Il faut s'y préparer, cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Il faut évaluer de quelle façon les forces de police et de sécurité nationales pourront prendre la relève. Il faut aussi étudier la question des équipements - les hélicoptères, les bateaux, les avions, les véhicules d'urgence - qu'Haïti ne possède pas et pour lesquels nous nous en remettons à l'ONU. (Acheter de tels équipements) demande une réflexion sérieuse dans la mesure où d'autres investissements sont prioritaires.

Q: Au total, 80% du riz consommé par les Haïtiens est importé et le pays est l'un de ceux qui souffrent le plus de la crise alimentaire. Y a-t-il une solution?

R: Oui. Changer les habitudes alimentaires du peuple haïtien et consommer d'autres produits que le riz. Jusqu'à il y a 20 ans, les Haïtiens mangeaient beaucoup de tubercules, par exemple. Puis, il y a eu dumping et quand le prix du riz a augmenté, les gens ont continué d'en consommer. Il faut maintenant revenir à nos habitudes alimentaires historiques. Par ailleurs, d'énormes efforts sont faits pour hausser la production agricole.

Q: La ministre de la Condition féminine d'Haïti a dit en entrevue à La Presse il y a un an qu'une Haïtienne sur trois subit des violences sexuelles. Les campagnes de prévention donnent-elles des résultats?

R: La condition féminine - le nombre de députées, par exemple - est l'un des rares domaines pour lesquels les objectifs du millénaire ont pu être atteints. Par contre, la violence conjugale est effectivement un enjeu sur lequel il faut renforcer aussi bien la prévention que la répression quand des crimes sont commis. La question est grave.