Un des plus puissants «parrains» mexicains de la drogue, Arturo Beltran Leyva, a été tué par l'armée mais cela ne signifie pas pour autant la fin du cartel portant son nom car «lorsqu'on coupe une tête de l'hydre, une autre repousse aussitôt», ont expliqué jeudi des spécialistes.

Arturo Beltran Leyva, qui signait «le chef des chefs», a été abattu mercredi avec six de ses hommes lors d'une opération militaire à Cuernavaca, à 100 km de Mexico.

C'était le troisième homme le plus recherché par le gouvernement mexicain, qui avait offert une prime de 1,5 million de dollars pour sa capture.

Le président Felipe Calderon, qui a érigé la lutte contre les cartels en priorité, a salué depuis le sommet de Copenhague «une réussite très importante pour le peuple et le gouvernement du Mexique, et un coup accablant contre une des organisations criminelles les plus dangereuses du pays et du continent».

Les cartels mexicains, «les patrons mondiaux de la cocaïne», selon les experts, s'affrontent dans une guerre pour le contrôle du trafic de drogue et son expédition vers les États-Unis, premier client mondial de la cocaïne.

Plus de 15 000 personnes sont mortes depuis décembre 2006, malgré le déploiement de 50 000 militaires en renfort de la police.

Les réseaux des cartels s'étendent aux États-Unis, en Colombie avec les producteurs, et en Amérique centrale, zone de transit de la drogue.

La mort du patron du cartel «des frères Beltran Leyva» est une réussite pour M. Calderon, mais elle risque d'entraîner un nouveau pic de violence.

«On ne peut écarter la perspective de violences internes, jusqu'à ce qu'une ligne de commandement du cartel se définisse», a expliqué le ministre de la Justice, Arturo Chavez.

Le sang risque aussi de couler davantage entre organisations rivales, souligne un expert étranger basé à Mexico, sous couvert de l'anonymat.

«Leyva avait réussi à nouer des alliances avec des organisations rivales, notamment le cartel de Juarez et le gang des Zetas, contre le cartel de Sinaloa de Joaquin «Chapo» Guzman», explique-t-il.

Les Leyva sont devenus les pires ennemis de Guzman, évadé d'un pénitencier mexicain en 2001 et présent sur la liste des milliardaires en dollars du magazine américain Forbes. Ils se sont émancipés du cartel de Sinaloa début 2008, après l'arrestation d'Alfredo, frère d'Arturo, et parce qu'ils considéraient que Guzman l'avait «balancé» aux autorités, poursuit l'expert.

«Le successeur d'Arturo n'aura peut-être plus le même motif de vengeance contre Guzman, mais la lutte pour le contrôle du marché continuera», selon lui.

«Un chef est immédiatement remplacé, en l'occurrence Arturo Beltran Leyva l'est vraisemblablement déjà par son lieutenant Edgar Valdez Villareal, alias 'La Barbie', qui a réussi à s'échapper», renchérit Jose Reveles, écrivain mexicain spécialiste du «narcotrafic».

«Les Beltran Leyva ont constitué une fédération très puissante, trois des frères (d'Arturo) sont en liberté et peuvent diriger le groupe avec La Barbie», rappelle-t-il.

«Il faut aussi s'attendre à une réponse du cartel contre les autorités, qui vont continuer à tenter d'affaiblir l'organisation», selon lui.

«C'est un coup très réussi pour le gouvernement, très spectaculaire pour l'opinion publique, mais cela ne signifie pas la fin du trafic, ni de ce cartel», conclut-il, soulignant que «pour maîtriser le crime organisé, il ne suffit pas de capturer ses chefs mais il faut démanteler les réseaux de financement et de corruption qui lui permettent de prospérer».