Le bras-de-fer se poursuit en Argentine, où la présidente Cristina Kirchner s'expose à un revers politique et judiciaire en faisant appel du jugement qui a rétabli dans ses fonctions le chef de la Banque centrale, principal obstacle à sa stratégie de remboursement de la dette.

La crise institutionnelle, qui a éclaté jeudi lorsque Mme Kirchner a émis un décret exceptionnel pour limoger Martin Redrado malgré le statut d'indépendance de la Banque centrale, devrait rebondir lundi dans les bureaux de la juge fédérale Maria José Sarmiento et au Congrès.

La magistrate doit examiner l'appel présenté samedi par le gouvernement contre la décision qu'elle avait prise la veille de suspendre le limogeage du directeur de la Banque centrale, coupable aux yeux de l'exécutif d'avoir tardé à libérer des réserves pour payer la dette qui arrive à échéance en 2010.

La juge Sarmiento dispose de 48 heures pour accepter ou non ce recours. Les deux parties pourront ensuite faire appel de sa décision devant la Cour suprême de justice, qui devrait se prononcer en urgence vu l'acuité de la crise.

Le vice-président Julio Cobos, opposé à Mme Kirchner depuis la crise des agriculteurs en 2008, a quant à lui convoqué les dirigeants des groupes politiques siégeant au Congrès pour analyser la situation.

Ils doivent notamment décider de convoquer ou non la commission bicamérale que le pouvoir exécutif aurait dû normalement consulter avant de limoger M. Redrado, comme le prévoit l'article 9 de la Charte constitutive de la Banque centrale.

La coalition favorable à Mme Kirchner, minoritaire aux deux chambres depuis sa défaite aux élections législatives de juin, peut refuser la convocation de cette commission, mais au risque de donner davantage d'arguments à ceux qui jugent illégale la destitution du chef de la Banque centrale.

Pour le juriste Daniel Sabsay, le décret pris par Mme Kirchner pour limoger M. Redrado est «anticonstitutionnel», tandis que pour Félix Lon, «la présidente Kirchner s'expose à un +impeachment+».

Cet éventuel échec judiciaire pourrait se doubler d'une défaite politique pour le gouvernement, qui est train d'unir une opposition traditionnellement divisée.

Certains observateurs agitent déjà le spectre d'un nouveau revers au Congrès, comme lors de l'interminable conflit avec les agriculteurs en 2008, qui a fait chuter la popularité de Mme Kirchner et a contribué à la défaite du pouvoir aux législatives de juin.

Gouvernement et opposition s'affrontent sur l'utilisation d'une partie des 48 milliards de dollars de réserves de la Banque centrale.

Mme Kirchner veut en utiliser une partie (6,5 milliards de dollars) pour régler la moitié de la dette en 2010, comme l'avait fait son mari, l'ancien président Nestor Kirchner (2003-2007), pour rembourser l'intégralité de sa dette envers le Fonds monétaire international (9,5 milliards de dollars) en 2005.

À l'époque, M. Redrado, déjà en poste, avait accepté, mais en obtenant que les réserves ne soient utilisées que pour payer des «institutions internationales».

L'opposition redoute cette fois-ci que Mme Kirchner se serve des réserves pour rembourser des dettes privées et que les «holdouts», ces créanciers privés qui avaient refusé l'accord de renégociation de la dette de juin 2005, ne profitent de la situation pour demander la saisie de l'ensemble des réserves.