Près de 30 ans après la guerre des Malouines, l'archipel est encore une fois au centre d'une querelle entre l'Argentine et la Grande-Bretagne. Objet du litige: le pétrole. Beaucoup de pétrole. Aujourd'hui, l'Argentine demandera officiellement à l'ONU d'encourager des négociations auxquelles le Royaume-Uni se refuse. Notre correspondant à Buenos Aires raconte.

Soixante milliards de barils de pétrole. C'est l'estimation que fait la Société britannique de géologie du gisement des eaux côtières des îles Malouines, à 500 km au large de l'Argentine. Un fabuleux trésor pour les 2900 «Kelpers» qui habitent ces îles. Et une diversion politique parfaite pour le premier ministre britannique, Gordon Brown, et la présidente de l'Argentine, Cristina Kirchner, qui cherchent à enrayer leur chute de popularité à quelques mois des élections dans leur pays respectif.

Qu'on les appelle Falklands ou Malouines, ces îles convoitées appartiennent au Royaume-Uni - au prix d'une guerre entre les deux pays qui a fait plus de 900 morts en 1982.

Vingt-huit ans plus tard, l'affrontement reste pour l'instant verbal. L'Argentine espère régler le différend devant les Nations unies. Aujourd'hui, le ministre des Affaires étrangères de l'Argentine, Jorge Taiana, demandera au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, de proposer des négociations auxquelles le Royaume-Uni se refuse encore. «L'Argentine dialoguera de manière pacifique», a promis Jorge Taiana, tout en demandant à Londres d'en finir avec une «situation coloniale anachronique».

Bloc latin

Hier, la présidente de l'Argentine, Cristina Kirchner, a reçu l'appui de presque tous les pays d'Amérique latine réunis en sommet au Mexique avec ceux des Caraïbes.

Alors que la société britannique Desire Petroleum vient de commencer l'exploration pétrolière à 160 km au nord de l'archipel, les Argentins considèrent que Londres viole les résolutions de l'ONU appelant les parties à dialoguer et à ne prendre aucune décision unilatérale qui pourrait aggraver leur différend.

«Ceux qui ont un siège permanent au Conseil de sécurité se permettent de violer mille et une fois les dispositions des Nations unies, tandis que les autres pays doivent les respecter sous peine d'être déclarés ennemis et d'être envahis», clame Cristina Kirchner. La présidente a signé un décret qui oblige tous les bateaux qui se dirigent vers l'archipel à demander l'autorisation de naviguer dans les eaux argentines.

Londres proteste

Londres juge la réaction argentine «pathétique et inutile». «Nous sommes parfaitement en droit» de chercher du pétrole, estime le premier ministre britannique, Gordon Brown, qui dit avoir «pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des insulaires».

La tension reste vive. Car les îles Malouines chauffent les esprits nationalistes des deux côtés de l'Atlantique. Au Royaume-Uni, les conservateurs réclament un renforcement militaire pour, disent-ils, «montrer clairement notre fermeté à l'Argentine». Le tabloïd à sensation The Sun a même assuré que trois navires de guerre étaient en route vers l'Atlantique-Sud.

De l'autre côté de l'océan, l'ambassadeur de l'Argentine à l'ONU, Jorge Argüello, a accusé le Royaume-Uni d'agiter «le spectre de la guerre».

 

Les îles de la discorde

On les appelle îles Malouines ou îles Falklands, selon qu'on est Argentin ou Britannique.

> Les premiers colons connus étaient des Français, marins et pêcheurs venus de la ville de Saint-Malo, d'où le nom d'îles Malouines (Islas Malvinas en espagnol). L'Espagne a expulsé les colons français au XVIIIe siècle, puis a cédé l'archipel au Royaume-Uni.

> Après son indépendance, en 1816, l'Argentine y a établi une colonie pénitentiaire en 1820, avant de l'abandonner. Depuis 1833, le Royaume-Uni y détient une colonie, bien que l'Argentine ait toujours revendiqué sa souveraineté sur les îles.

> En avril 1982, la marine argentine débarque dans l'archipel et en prend possession. L'Argentine rejette la proposition du président Ronald Reagan de partager l'administration de l'archipel. Les Britanniques (sous Margaret Thatcher) répliquent en force en mai et juin. Au bout de 72 jours, les Anglais chassent définitivement les Argentins. Cette guerre a fait quelque 900 morts, dont les trois quarts étaient des soldats argentins.