Le président cubain Raul Castro a «regretté» mercredi la mort du prisonnier politique Orlando Zapata qui a succombé la veille à une grève de la faim, une affaire qui a provoqué des détentions préventives de militants et la consternation de Washington et Bruxelles.

Au lendemain du premier décès d'un prisonnier politique depuis 1972 à Cuba, Raul Castro a fait part de ses «regrets» tout en soulignant qu'Orlando Zapata n'avait pas été «exécuté» ni «torturé» comme cela se fait selon lui sur la base américaine de Guantanamo (sud-est de Cuba), a rapporté un média officiel lors de sa visite au port de Mariel (ouest) avec son homologue brésilien Luiz Inacio Lula Da Silva.

Les États-Unis et l'Union européenne venaient de réitérer leur appel à la libération de tous les prisonniers politiques cubains, au nombre de 200 selon la dissidence, après la mort de Zapata qui devait être inhumé mercredi à Banes (840 km à l'est de La Havane).

«Quelque 30 dissidents» de cette région orientale qui comptaient s'y rendre ont été détenus, certains étant «retenus sans ordre judiciaire dans leur maison», a affirmé à l'AFP Elizardo Sanchez, à la tête de la Commission cubaine pour les droits de l'Homme, une organisation illégale mais tolérée par le pouvoir.

L'un des 65 «prisonniers de conscience» d'Amnesty international, Orlando Zapata, un maçon Noir de 42 ans, membre d'un mouvement démocratique illégal, est décédé mardi dans un hôpital de La Havane des suites d'une grève de la faim entamée en décembre pour protester contre ses conditions de détention.

La mère d'Orlando Zapata, Reina Luisa Tamayo, a appelé «le monde» à «exiger la liberté des autres prisonniers, des autres frères injustement incarcérés pour que cela ne se répète pas», dans des déclarations sonores reproduites par la bloggeuse cubaine Yoani Sanchez sur le site www.desdecuba.com/generaciony.

Mme Tamayo a accusé le gouvernement de Raul Castro d'«assassinat prémédité» dans la mort de son fils, victime selon elle de mauvais traitements en prison.

Dans une lettre ouverte rendue publique par des dissidents, une cinquantaine de prisonniers politiques cubains avaient appelé dimanche le président Lula à intervenir en faveur de Zapata - alors dans un état critique - lors de sa visite officielle de 24 heures à Cuba, entamée mardi soir mais qui ne prévoit aucune conférence de presse.

Peu connus à Cuba où médias et Internet sont étroitement contrôlés par l'État, les dissidents sont considérés par les autorités cubaines comme des «agents» et «mercenaires» à la solde de l'«ennemi» américain qui impose un embargo depuis 48 ans contre ce pays.

Orlando Zapata avait été arrêté en 2003 pour «désordre public» et purgeait une peine de plus de 30 ans de prison, selon des dissidents.

Son décès «souligne l'injuste détention par Cuba de plus de 200 prisonniers politiques qui devraient être libérés dans les plus brefs délais», a estimé le département d'État sans dire si cette affaire pouvait nuire au dialogue relancé l'an dernier avec Cuba sur des affaires bilatérales comme les migrations.

La Commission européenne a «regretté profondément» ce décès, mais n'a pas non plus évoqué sa coopération avec Cuba reprise en 2008 après une suspension de cinq ans liée à une vague d'arrestations de dissidents.

En Espagne, principal allié européen de Cuba, la droite espagnole a demandé au gouvernement socialiste de «rectifier» sa politique de rapprochement avec Cuba. La France a elle regretté que son «appel à un geste d'humanité» n'ait pas été entendu.

L'ONG Amnesty International a estimé que cette mort est «une illustration terrible de la répression permanente contre les dissidents politiques à Cuba» «en l'absence d'un système judiciaire indépendant».