La Cour constitutionnelle de Colombie a refermé vendredi un chapitre de l'histoire de ce pays sud-américain en barrant la route à un troisième mandat pour le président Alvaro Uribe, qui a marqué le pays pour sa politique de fermeté face à la guérilla des FARC.

Dans un arrêt rendu vers 18H30 (23H30 GMT) la cour a invalidé une loi votée en septembre organisant un référendum qui, s'il avait été approuvé, aurait modifié la Constitution pour permettre au chef de l'État de se présenter à l'élection présidentielle du 30 mai.

«La cour constitutionnelle (...) a décidé de déclarer non valable dans sa totalité la loi (...) par le biais de laquelle était convoqué un référendum», a déclaré le président de la cour Mauricio Gonzalez.

Auparavant, le magistrat s'est prononcé avec dureté sur cette loi, entachée selon lui de «graves violations des principes de base d'un système démocratique», notamment en raison d'irrégularités en matière de financement de la campagne pour son adoption, puis lors de la procédure législative.

«Je prends acte et je respecte l'arrêt de la Cour constitutionnelle», a réagi, depuis Barranquilla, localité au nord de la Colombie, le président Uribe, en soulignant que «l'État de droit est une grande conquête de l'humanité» et en évoquant son «amour pour la Colombie».

Aux abords de la cour, 200 personnes se sont rassemblées en dansant au rythme de tambours et trompettes, chantant «le référendum est tombé, vive la Constitution».

Alvaro Uribe, un avocat de 57 ans, avait été élu en 2002, puis réélu en 2006 suite à une première réforme constitutionnelle controversée l'autorisant à présenter une deuxième fois sa candidature.

Bien qu'il refusait de dire s'il serait candidat, ses détracteurs l'accusaient de s'accrocher au pouvoir, atteint par la «maladie des pays andins» poussant certains chefs d'État de la région, dont le vénézuélien Hugo Chavez, à chercher à rester au pouvoir par le biais de réformes constitutionnelles d'initiative populaire.

«Yo propongo autoridad», (Je propose l'autorité): c'était son slogan de campagne en 2002, lorsque toute la Colombie vivait au rythme de la violence opposant la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes) à l'armée, un conflit impliquant aussi plus de 30 000 combattants de milices paramilitaires d'extrême droite.

Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Uribe, plus proche allié de l'ex-président américain George W. Bush dans la région, la guérilla a été chassée des villes.

En 2008, son gouvernement a arraché aux FARC, le 2 juillet, 15 de ses plus précieux otages, dont la Franco-colombienne Ingrid Betancourt.

Cette année-là certains observateurs évoquaient même la fin des Farc.

Mais depuis la guérilla a regagné du terrain et elle reste présente sur 50% du territoire.

Alvaro Uribe et son gouvernement ont aussi du affronter une crise économique ayant entraîné 12% de taux de chômage en 2009, la multiplication des scandales de corruption et des dénonciations en matière de violation des droits de l'homme.

En octobre 2008, un hebdomadaire a révélé des centaines d'exécutions extrajudiciaires attribuées à des soldats qui tuaient des civils avant de les présenter comme «morts au combat» pour obtenir des récompenses.

L'insécurité a également augmenté en 2009, avec une hausse des homicides de 16%.

Lors des élections législatives du 14 mars, puis de la présidentielle du 30 mai, les Colombiens devront décider s'ils souhaitent la poursuite de sa politique de «sécurité démocratique», qui privilégie la fermeté face aux quelque 7500 combattants des FARC et une politique économique libérale.

Juan-Manuel Santos, ex-ministre de la Défense (2006-2009) serait selon les sondages le candidat préféré des Colombiens pour poursuivre cette politique.

Crédité de 12% des intentions de vote, il arriverait au second tour face à Sergio Fajardo, candidat indépendant et ex-maire de Medellin.