Après la catastrophe naturelle, c'est la calamité bien humaine du pillage qui s'est abattue sur le centre du Chili. Quelque 14 000 soldats y ont été dépêchés en renfort des forces policières, et le couvre-feu a été étendu hier soir de 18h à midi. Si l'accalmie a permis à l'aide de se déployer, le piètre état des infrastructures routières continue d'être un casse-tête pour les autorités.

À Concepción, où la majorité des quelque 500 000 habitants manquent d'eau et de vivres, presque tous les magasins ont été pillés ou incendiés dans les heures qui ont suivi le séisme. La tâche est immense pour les 14 000 soldats déployés lundi soir par les autorités, qui ont du même coup étendu le couvre-feu de 18h à midi, ce qui a permis une certaine accalmie.

Les observateurs ont cependant constaté que des milliers de Chiliens se sont organisés en milices d'autodéfense armées jusqu'aux dents et ont barricadé leurs rues.

Aux rapports officiels de mises à sac, de magasins pillés et de résidences dévastées se sont ajoutées des rumeurs, comme celle voulant que des hordes de pillards s'apprêtaient à attaquer des quartiers aisés. La télévision chilienne a diffusé en boucle des images de jeunes en train de défoncer les portes de supermarchés et de centres commerciaux fermés pour en fuir les bras chargés de victuailles.

«Les délinquants ont pris la ville, a déclaré sur les ondes de la radio chilienne Bío Bío Marcelo River, maire de Hualpen, une commune de la grande région de Concepción. Je vous demande de l'aide, je vous implore, s'il vous plaît.» Il a exhorté les militaires à agir avec la force nécessaire pour empêcher les pillages. «S'il faut tuer, qu'ils tuent.»

«Quand on a une catastrophe de cette ampleur, quand il n'y a plus d'électricité ou d'eau, la population perd le sens de l'ordre public», a commenté le président chilien nouvellement élu, Sebastian Piñera. La présidente sortante, Michelle Bachelet, considérait quant à elle que la situation était maîtrisée, mais a menacé les pillards de «dures sanctions judiciaires».

Un pont aérien a été ouvert entre la capitale, Santiago, et la ville de Concepción, à quelque 430 km. On espère envoyer rapidement plus de 300 tonnes d'aide, dont 120 tonnes de nourriture, vers la zone la plus dévastée du pays. Des militaires ont commencé à distribuer les premières cargaisons dans les régions du Maul et du Bío Bío, et les premiers camions-citernes ainsi que des hélicoptères ont atteint Concepción.

Au séisme d'une magnitude de 8,8 sur l'échelle de Richter qui a frappé le pays samedi s'est ajouté un tsunami qui a ravagé des villages entiers sur la côte. Le bilan est jusqu'à maintenant de 795 morts, et plus de 2 millions de personnes sont touchées. La firme spécialisée EQECAT évalue les dégâts atteignent de 15 à 30 milliards de dollars, sur un PIB de 169 milliards en 2008. Aucun Canadien n'aurait été gravement touché par le séisme, mais le ministère des Affaires étrangères à Ottawa a annoncé être sans nouvelles de 337 de ses ressortissants.

En visite officielle, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a promis que son pays aiderait le Chili «de toutes les façons». Sa délégation a elle-même livré aux autorités 25 téléphones satellites et en a promis 62 autres, ainsi que huit systèmes portatifs de purification d'eau et une installation hospitalière d'urgence.

L'appel à l'aide du Chili a été entendu: une douzaine de pays ont annoncé une aide concrète depuis 48 heures. L'Australie et l'Union européenne ont notamment promis respectivement 5 et 4 millions de fonds d'urgence, tandis que la Croix-Rouge internationale a lancé un appel pour récolter 6,4 millions. L'Argentine et le Brésil ont annoncé l'envoi d'équipes de sauveteurs, tout comme Cuba, qui a promis une brigade médicale de 27 personnes.

L'acheminement de l'aide est cependant rendu très difficile par le piètre état des infrastructures routières, affaiblies par le séisme et ses dizaines de répliques.