Les autorités cubaines ont dit «refuser» lundi le «chantage» du dissident Guillermo Farinas, lui faisant porter «la responsabilité entière des conséquences» de sa grève de la faim et de la soif entamée il y a douze jours après la mort controversée d'un détenu politique.

Par la voix de l'organe officiel du Parti communiste, premier média cubain à évoquer cette affaire, les autorités cubaines ont voulu se dégager de toute responsabilité dans ce jeûne de protestation d'un «agent au service des États-Unis» visant, selon elles, «à discréditer le système politique» cubain.

Comme pour la mort du prisonnier politique Orlando Zapata, le 23 février, des suites d'une grève de la faim de deux mois et demi, La Havane essaie de se poser en victime d'une «manipulation» orchestrée par Washington.

«Cuba (...) n'acceptera ni pressions ni chantage», écrit Granma à propos du jeûne du cyberjournaliste de 48 ans, entamée à son domicile de Santa Clara (270 km à l'est de La Havane) au lendemain de la mort de Zapata pour obtenir la libération de 26 prisonniers politiques malades.

«Les conséquences seront de son entière et unique responsabilité», prévient Granma en accusant le dissident d'être «manipulé» et d'avoir reçu «instructions, argent et équipement» de la «Section des intérêts américains et de certains foyers diplomatiques européens qui dirigent la subversion à Cuba».

M. Farinas, qui avait reçu vendredi un diplomate espagnol venu lui demander en vain d'arrêter sa grève, a déclaré par téléphone à l'AFP qu'il «maintiendrait jusqu'à la fin sa position». Il a ajouté qu'il tenait «pour responsable le gouvernement cubain de toutes les conséquences» de son jeûne.

«L'objectif de cet article (de Granma) est de me discréditer auprès de l'opinion publique (...), de dire que celui qui va mourir n'est pas un révolutionnaire pro-démocratique mais un révolutionnaire qui a été trompé par une puissance étrangère», a dit ce docteur en psychologie et ancien militaire d'élite.

Il dit refuser de «laisser impunie» la mort de Zapata, 42 ans, qui avait suscité la consternation à Washington et à Bruxelles réclamant la libération des 200 prisonniers politiques cubains.

Si Farinas mourait à son tour, «cela compliquerait encore nos relations avec Cuba», a déclaré à l'AFP un diplomate européen sous couvert de l'anonymat.

L'Union européenne entretient une coopération difficile avec l'île communiste. La coopération a repris en 2008, après une suspension de cinq ans liée à une vague d'arrestations d'opposants.

Quant aux relations difficiles avec les États-Unis en raison d'un embargo de 48 ans, elles se sont apaisées à l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche. De nouvelles tensions ont cependant resurgi avec l'arrestation début décembre d'un sous-traitant américain accusé de vouloir renverser le régime en fournissant du matériel de communication à l'opposition.

Pour l'économiste dissident Oscar Espinosa, le gouvernement cubain a donné via Granma «une réponse irresponsable» à l'affaire Farinas.

«Cela donne l'impression que le gouvernement songe à laisser mourir Farinas comme il l'a fait pour Zapata», transporté aux soins intensifs d'un hôpital de La Havane douze heures avant sa mort, a pour sa part estimé le militant des droits de l'Homme Elizardo Sanchez qui réclame l'hospitalisation de Farinas.

Granma a cependant souligné les «principes bioéthiques qui obligent un médecin à respecter la décision d'une personne en grève de la faim». «C'est pourquoi, on ne peut en aucun cas la forcer à s'alimenter, comme le font quotidiennement les Américains dans les prisons et centres de torture de Guantanamo (Cuba), Abou Ghraib (Irak) et Bagram (Afghanistan)», écrit le journal.