Une délégation américaine de haut rang, menée par Hillary Clinton, a reconnu mardi à Mexico sa part de responsabilité dans la crise sécuritaire que provoquent les cartels de la drogue. Mais, révoltés par la violence, les Mexicains se lassent des beaux discours de leur puissant voisin, dont ils redoutent les tendances interventionnistes.

Mardi midi. Mexico bouillonne de son agitation habituelle, sous un sempiternel soleil écrasant. La mine grave des policiers qui barricadent le centre-ville annonce tacitement la nouvelle: les Américains sont arrivés.

 

Ces Américains sont les plus hauts responsables de la sécurité au sein du gouvernement Obama: la secrétaire d'État, Hillary Clinton, la secrétaire à la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, le secrétaire à la Défense, Robert Gates, le directeur du renseignement, Dennis Blair, et le chef d'état-major, Michael Mullen. Officiellement, ils viennent débattre avec leurs homologues mexicains des avancées de l'initiative de Merida, plan de 1,1 milliard de dollars étalé sur la période 2008-2010 pour combattre le narcotrafic.

«Mais ne nous y trompons pas: lorsque ce cabinet de crise se déplace en bloc, c'est pour aller en Irak ou en Afghanistan, pour mettre au point des plans d'attaque et des invasions dans des pays instables», annoncent les éditoriaux des journaux étalés aux stands. À l'issue de la réunion, Clinton reconnaîtra la coresponsabilité des États-Unis dans la tragédie qui frappe le Mexique: selon elle, c'est la demande de drogue et les chargements d'armes des États-Unis qui contribuent à l'indicible violence des affrontements entre gangs de narcotrafiquants.

»C'est nous qui en mourons»

Au 105,2 FM, la voix perçante de la commentatrice politique Denise Dresser martèle: «Les Américains pensent que le beau discours sur la coresponsabilité devrait nous contenter. Mais cela ne suffit pas!»

Encore plus loin des conciliabules diplomatiques, sur une place bruyante, des travailleurs sortis dévorer quelques tacos discutent politique en se prenant la tête entre les mains. Ils encaissent le «déjà-vu» comme on souffre d'une forte migraine. «Clinton a tenu mot pour mot les mêmes propos il y a exactement un an!» Les remarques vont bon train sur l'obligation des Américains d'enrayer le trafic d'armes. «Mais il y a trop d'intérêts liés au marché de la drogue aux États-Unis, ils n'osent pas arrêter le trafic», lâche Ernesto, un étudiant.

Une maxime, rabâchée depuis toujours, circule d'une bouche à l'autre. «Eux, ils consomment la drogue, mais c'est nous qui en mourons.» Quelque 17 000 Mexicains ont été tués en trois ans, mais c'est seulement après l'assassinat le 15 mars de trois personnes liées au consulat américain de Ciudad Juárez, ville frontalière, que Washington a décidé d'envoyer une délégation de hauts responsables.

Ce sursaut fait craindre aux Mexicains une intervention énergique de la part de leur voisin. Sombre perspective, d'après l'analyste Ricardo Monreal, qui s'indigne dans le journal Milenio: «S'il y a une occupation de facto, comme en Colombie, nous n'aurons pas seulement perdu la guerre contre le crime, mais aussi ce qu'il nous reste de souveraineté au moment où, ironiquement, nous fêtons les 200 ans de notre indépendance.»