Les Colombiens élisaient dimanche le successeur d'Alvaro Uribe, chef de l'Etat qui a marqué le pays par sa politique de fermeté à l'égard de la guérilla, sur fond d'actes de violence qui ont fait au moins onze morts à la mi-journée parmi les soldats et les policiers.

«Nous avons (à rapporter) un lamentable événement : l'attaque d'une patrouille de police à l'aide d'explosifs qui laisse un bilan de sept policiers tués et huit autres dont nous ne savons pas où ils sont. Ils ont disparu», a déclaré à la presse Margarita Silva, responsable de la sécurité du département Norte de Santander, où l'attaque est intervenue.

La responsable a précisé que l'embuscade s'était produite aux alentours de 11h00 (12h00 HAE).

Le ministre de l'Intérieur Fabio Valencia et l'armée de terre ont pour leur part fait état d'attaques dans ce département et dans deux autres (Meta et Antioquia) dans lesquels quatre soldats ont également péri.

Alvaro Uribe avait été, trois heures plus tôt, l'un des premiers à se rendre aux urnes, dès l'ouverture des bureaux de vote, à 08h00 (09h00 HAE).

Le scrutin se déroule jusqu'à 16h00 (17h00 HAE) afin de permettre à environ 30 millions de Colombiens, sur une population de 46 millions d'habitants, de choisir entre les deux candidats encore en lice pour ce second tour : l'ex-ministre de la Défense Juan Manuel Santos, 58 ans, qui promet de maintenir la politique du président sortant, et l'ancien maire de Bogota (1995-97 et 2001-2003), Antanas Mockus, 58 ans lui aussi.

En dépit de la ferveur un temps suscitée par ce mathématicien se présentant pour le Parti Vert et prônant le retour de la «décence» à la tête de l'Etat, contre la corruption et la violence, il a dès le premier tour été largement devancé par son adversaire.

Le 30 mai, il n'avait obtenu que 21,4% des suffrages, contre 46,5% pour M. Santos, candidat du Parti social d'union nationale (droite).

Pour ce scrutin, Juan Manuel Santos est perçu comme le favori et le candidat de la «continuité», auréolé de grandes victoires face à la guérilla : en tant que ministre de la Défense entre 2006 et 2009, il lui a notamment arraché quinze otages, dont la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt.

Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) sont encore actives sur près de 50% de territoire, mais elles ne cernent plus les villes. Les forces de l'ordre - police et armée - ont elles vu leurs effectifs doubler, passant de 220 000 hommes à 425 000.

Antanas Mockus avait pour sa part eu un certain écho, en mettant en lumière les défis attendant le prochain président, la société colombienne restant gangrenée par le trafic de drogue, la corruption et la violence, qu'il n'a eu de cesse de dénoncer.

La Colombie compte en effet, outre deux guérillas (les Farc et l'Armée de libération nationale), encore des milliers d'ex-paramilitaires et des bandes de délinquants semant la mort, faisant de ce pays l'un des plus dangereux d'Amérique latine avec le Venezuela et le Mexique.

La croissance et l'arrivée d'investisseurs, attirés notamment par ses ressources naturelles - pétrole, charbon, or, émeraudes - n'ont pas réglé le problème de la pauvreté endémique (46% de la population vit dans la misère), ni celui du chômage, premières préoccupations des Colombiens, selon les sondages.

Le prochain président devra en outre faire face à un certain isolement de la Colombie, en dépit de l'appui des Etats-Unis, qui ont financé sa lutte contre la drogue et la guérilla à hauteur de six milliards de dollars depuis l'an 2000.

Mis en cause par les organisations de défense des droits de l'Homme et l'ONU pour les exécutions extrajudiciaires attribuées à l'armée, ce pays stratégique d'Amérique latine est surtout au plus mal avec le Venezuela d'Hugo Chavez qui ne lui pardonne pas d'avoir signé en 2009 un accord permettant à l'armée américaine de faire usage d'au moins sept de ses bases.