La multiplication des appels à la légalisation des drogues en Amérique latine s'étend au Mexique, où la stratégie militaire du président Felipe Calderon n'a pas réussi à mettre un terme à la guerre des cartels, créditée de 28 000 morts en trois ans et demi.

L'ancien président Vicente Fox, issu du même parti politique que M. Calderon (PAN, droite), a rejoint cette semaine le club des ex-chefs d'État latino-américains qui ont proposé de légaliser certaines drogues, notamment la marijuana, pour en finir avec les cartels.

«La violence va perdre en intensité et cela sera possible sur un marché ouvert, comme cela a été fait pour les cigarettes ou l'alcool», a estimé M. Fox mardi sur son blog.

L'ex-président mexicain (2000-2006) vise essentiellement les États-Unis, premiers consommateurs de cocaïne au monde.

Il y a «un désintérêt incroyable et une indifférence aux États-Unis sur le sujet. Ils nous ont fait travailler, et nous supportons ici les morts et les crimes des cartels, tandis qu'ils devraient limiter leur marché, arrêter le transfert d'armes et réduire le blanchiment d'argent», dit-il.

Le trafic de drogue brasse jusqu'à 29 milliards de dollars par an au Mexique, selon un rapport officiel américano-mexicain.

Le débat fait rage depuis une semaine au Mexique, où des ONG, des experts et deux partis d'opposition ont proposé une légalisation de certaines drogues, à l'occasion d'un forum sur la sécurité.

Depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2006, M. Calderon a déployé environ 50 000 soldats et policiers, mais la violence n'a fait qu'aller crescendo.

Le président mexicain a fait un pas en avant la semaine dernière en acceptant un débat sur le sujet, mais il a dit que son gouvernement s'y opposerait.

Dans la région, en février 2009, les anciens présidents Fernando Henrique Cardoso (Brésil), Ernesto Zedillo (Mexique) et Cesar Gaviria (Colombie), ont proposé de dépénaliser partiellement la consommation de marijuana en réponse à l'échec du modèle répressif imposé par les États-Unis depuis 40 ans.

Plusieurs pays dont le Mexique, l'Argentine et la Colombie, ont autorisé la «dose personnelle», une quantité minimale de drogue dont la possession n'est pas pénalisée.

Néanmoins, aucun n'a envisagé de légaliser la consommation, pas même de la marijuana comme c'est le cas aux État-Unis, où l'usage médical est autorisé dans 14 États. En octobre, la Californie organisera par ailleurs un référendum sur l'usage libre de la marijuana.

Fin juillet, l'écrivain chilien Isabel Allende s'est prononcée pour que «les drogues soient légales, chères et contrôlées, et taxées», comme d'autres intellectuels tels le Péruvien Mario Vargas Llosa ou le Mexicain Carlos Fuentes.

Le chercheur mexicain José Antonio Crespo, du Centre de Recherche économique, pense que le débat ne devrait pas cesser d'enfler en Amérique latine, en raison de la violence, mais aussi du débat en Californie.

«Si elle approuve par référendum le projet sur la marijuana, cela va créer une contradiction légale très difficile à expliquer aux paysans qui la produisent dans ces pays, et le paient de leur sang», a-t-il dit à l'AFP.

La Colombie, le Pérou et la Bolivie produisent à eux trois la quasi-totalité de la cocaïne mondiale. La drogue circule ensuite vers les États-Unis via l'Amérique centrale et le Mexique, ou vers l'Europe depuis le cône sud.