Légaliser les drogues pour couper l'herbe sous le pied aux trafiquants? Le débat fait rage au Mexique. Il a été lancé par nul autre que l'ex-président Vicente Fox, qui propose la légalisation de «la production, la vente et la distribution», raconte notre collaboratrice.

L'actuel président mexicain, Felipe Calderon, n'a toujours pas digéré le retournement de veste de son prédécesseur Vicente Fox. Ce dernier a proclamé sur son blogue, il y a deux semaines, qu'il fallait légaliser les drogues pour garantir la sécurité des Mexicains face aux assauts violents des groupes de narcotrafiquants.

Dans le style direct qui le caractérise, Fox a également recommandé le retrait des soldats dans leurs casernes et la fin des infructueuses opérations militaires contre les cartels.

Calderon a réagi en distillant des déclarations venimeuses à l'encontre de son prédécesseur. «Si la lutte contre le crime organisé avait débuté plus tôt, la situation serait bien meilleure aujourd'hui», a-t-il notamment lâché, sous-entendant que Fox n'avait rien fait pour prévenir l'essor des cartels. Les deux hommes sont issus du parti de l'Alliance nationale (PAN, droite) mais affichent fréquemment leurs désaccords en public.

Débat

Calderon a réitéré son opposition à la légalisation des drogues, mais il a appelé à l'ouverture d'un débat national sur le sujet. Le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre droit), qui détient la majorité au Parlement, reste indécis. L'une de ses figures, l'ex-président Ernesto Zedillo, avait pourtant été le premier, l'an dernier, à prêcher en faveur de la légalisation.

Or, pour le moment, le «non» semble l'emporter.

«Dans un marché légalisé, les organisations criminelles conserveraient les rênes du commerce» avance le député du PAN Ruben Arellano. «Elles s'enrichiraient, se renforceraient, et la délinquance augmenterait de même que la consommation» soutient-il, avant de gronder: «Fox n'a rien fait quand il était au pouvoir, alors il a beau jeu de parler maintenant.»

Vicente Fox, alors qu'il était président entre 2000 et 2006, avait opposé son veto à la loi dépénalisant la possession de petites quantités de drogue pour la consommation personnelle. Une fois son mandat achevé, il avait expliqué que la pression du gouvernement américain pour bloquer cette mesure avait eu raison de ses convictions. La loi est discrètement passée il y a quelques mois, promue cette fois-ci par... Felipe Calderon.

L'ambiguïté des décideurs politiques ne surprend pas le sénateur de gauche René Arce qui a, lui, présenté avec d'autres législateurs un projet de loi pour légaliser la production, la commercialisation, l'exportation et la consommation de cannabis.

C'était il y a deux ans. «À l'époque, on nous a traités de tous les noms, raconte-t-il. Aujourd'hui tout a changé: il y a une vraie disposition à débattre.»

Selon lui, la légalisation de la marijuana, produite en grandes quantités au Mexique, est une façon de couper l'herbe sous le pied aux narcotrafiquants.

«L'argent de la drogue sert à corrompre des policiers, des juges et des responsables politiques. Si on confisque le commerce aux mafias, automatiquement on les affaiblit. Le gouvernement actuel se centre exclusivement sur un modèle punitif qui n'a pas fait ses preuves, affirme le sénateur. C'est pourquoi il faut ouvrir d'autres fronts, comme la légalisation des drogues.»