La star du hip-hop Wyclef Jean n'abandonne pas l'idée de devenir président d'Haïti. Il contestera devant une cour la décision du Conseil électoral provisoire (CEP) de rejeter sa candidature.

«Nos avocats vont faire appel demain (aujourd'hui) de la décision du CEP», a-t-il annoncé hier sur le site Twitter.

Vendredi, le CEP a rejeté 15 des 34 candidatures à l'élection présidentielle du 28 novembre. Wyclef Jean aurait été exclu en vertu d'une règle de la commission électorale qui stipule que les candidats doivent avoir résidé dans le pays cinq années consécutives avant la date des élections.

La vedette internationale, qui croit répondre aux critères d'admissibilité, entend contester l'interprétation que le CEP fait de la loi. Ses avocats tiendront une conférence de presse à Port-au-Prince aujourd'hui.

L'ex-chanteur des Fugees a précisé dans un entretien avec l'Associated Press avoir un document «qui montre que tout est correct». Et d'ajouter que lui et son entourage ont «le sentiment que ce qui se passe ici a tout à voir avec la politique haïtienne».

L'avocat montréalais Jean-Ernest Pierre, directeur de la radio CPAM, doute que la démarche judiciaire de Wyclef Jean porte ses fruits. «En principe, dit-il, les décisions du Conseil sont sans appel.» Il cite en exemple le cas de Dumarsais Siméus, un Américain d'origine haïtienne dont la candidature aux élections de 2006 a été rejetée parce qu'il n'avait plus la nationalité haïtienne.

Malgré une ordonnance de la Cour suprême d'Haïti, le CEP a refusé de réadmettre Dumarsais Siméus dans la course.

Déception

Par ailleurs, le rejet de la candidature de Wyclef Jean a suscité de la déception au sein de la communauté haïtienne montréalaise.

«Après avoir constaté l'engouement que sa candidature a créé, on était tous un peu déçus de voir qu'il ne pourra pas participer à la course», convient Frantz Benjamin, conseiller de la Ville au district de Saint-Michel.

Selon M. Benjamin, l'exclusion de Wyclef Jean traduit un problème plus large: celui de la non-reconnaissance des deux millions d'Haïtiens de la diaspora dans la chose publique haïtienne.

Pour briguer des postes électifs en Haïti, les candidats ne doivent jamais avoir renoncé à la nationalité haïtienne. Or, en vertu de la Constitution, les Haïtiens qui obtiennent une autre nationalité perdent théoriquement leur nationalité haïtienne.

«Haïti ne peut constamment envoyer ce discours paradoxal à la diaspora, estime M. Benjamin. On nous dit: on a besoin de vous sur le plan économique, mais pas sur le plan politique.»

Kerlande Mibel, présidente de la Jeune chambre de commerce haïtienne, croit pour sa part que les Haïtiens doivent respecter la décision des membres du CEP, qui ont interprété des critères bien définis pour faire leur choix.

«Souvent, on critique l'État haïtien de ne pas être intègre dans sa gouvernance, souligne Mme Mibel. C'est un premier pas et il faut le respecter.»

Kerlande Mibel espère que Wyclef Jean se présentera aux élections de 2015, soulignant l'intérêt que le chanteur suscite auprès des jeunes. «D'ici là, il pourra prendre le temps de s'installer en Haïti», conclut-elle.

Avec AFP et AP