Un peu plus de huit mois après le séisme en Haïti, Paris et Washington ont mis en garde lundi contre l'impatience qui gagne l'île face aux lenteurs de la reconstruction.

«Ceux qui attendent des progrès immédiats sont irréalistes, et rendent un mauvais service à tous ceux qui travaillent si dur», a estimé la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton lors d'une réunion à New York en marge de l'assemblée générale des Nations unies.

«Certains trouvent que cela va lentement, cette reconstruction d'Haïti, très lentement», a renchéri son homologue français Bernard Kouchner: «C'est qu'ils n'ont pas la notion de l'immensité du désastre (...). Il y a eu beaucoup d'argent, beaucoup de choses ont été faites, mais cela ne peut pas être immédiatement visible».

Les Etats-Unis sont de loin le premier donateur à Haïti, avec un engagement d'1,15 milliard de dollars lors de la conférence organisée en mars à l'ONU. La France est également dans les premiers rangs, avec une promesse de 326 millions d'euros.

Les deux dirigeants étaient réunis avec le premier ministre haïtien Jean-Max Bellerive, qui a fait part de ses «préoccupations sur le rythme et l'importance de ce que nous faisons aujourd'hui».

«L'impatience monte, il y a des résultats à montrer tout de suite en Haïti», a expliqué M. Bellerive lors d'une réunion de la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH), coprésidée par l'ancien président américain Bill Clinton.

Le chef du gouvernement haïtien a réclamé notamment qu'une solution soit offerte sous trois mois à au moins la moitié de ses compatriotes ayant perdu leur logement, et qui survivent tant bien que mal dans des abris provisoires.

125 000 familles haïtiennes ont été installées dans des camps d'urgence au lendemain du tremblement de terre meurtrier du 12 janvier.

Jean-Max Bellerive a cependant souligné que l'île avait échappé, grâce à l'intensité de l'aide internationale, aux épidémies et à une explosion de violence, et que 250 classes avaient pu être reconstruites à temps pour la rentrée scolaire.

Deux protocoles d'accord ont été signés lundi, l'un concernant l'implantation d'une zone industrielle dont on espère 10.000 emplois, et l'autre prévoyant le cofinancement, par la France et les Etats-Unis, de l'essentiel des travaux de construction de l'hôpital de Port-au-Prince.

Les pays donateurs se sont engagés à verser quelque 5,5 milliards de dollars d'aide en 2010-2011, et près du double au total sur dix ans.

Cette somme considérable ne suffira pas à reconstruire Haïti, a insisté Jean-Max Bellerive, qui a de nouveau fait appel lundi aux investissements privés. Il a aussi évoqué des «financements innovants» sur le modèle de ceux envisagés par l'ONU pour financer ses Objectifs du millénaire pour le développement, un ambitieux plan mondial de lutte contre la pauvreté.

Le ministre brésilien, Celso Amorim, s'est félicité lundi de la tenue d'une réunion qui peut aider, selon lui, «à maintenir le sujet Haïti dans l'actualité.

Alors que le paiement de nombreuses aides promises tarde encore, «le Brésil se sent relativement à l'aise», a dit M. Amorim, «parce que nous avons été l'un des rares pays à verser 100% de ce que nous avions promis», soit 55 millions de dollars déjà apportés au fonds de l'ONU.

Selon les Etats-Unis, les projets de reconstruction déjà approuvés représentent un engagement d'1,6 milliard de dollars.

Bernard Kouchner se rendra samedi et dimanche en Haïti pour passer en revue l'aide mise en oeuvre par la France, a-t-on indiqué dans sa délégation.