Cinq semaines après l'apparition des premiers cas de choléra en Haïti, l'organisation humanitaire Médecins sans frontières, qui soigne 80% des victimes de la maladie, est au bord de la crise des nerfs. Ses installations débordent. Et les patients sont de plus en plus nombreux.

Jusqu'à maintenant, tous les malades qui se sont présentés dans des centres de traitement du choléra ont pu être soignés. Mais si la tendance se maintient, ça ne durera pas. «À la fin du mois, nous nous attendons à recevoir jusqu'à 500 malades par jour. Nous allons être dépassés. Nous avons besoin d'aide», dit Virginie Cauderlier, responsable des soins médicaux au centre de traitement du choléra de Sarthe.

 

Aménagé sur un terrain appartenant à la brasserie Brana, derrière l'aéroport, ce centre compte une quinzaine de tentes pouvant accueillir une vingtaine de lits chacune. C'est là que l'on envoie les malades les plus atteints, quand leur état a été stabilisé au point de permettre leur transport.

Les tentes s'alignent en rangées, avec leurs lits troués et des patients qui vomissent en gémissant. Hier matin, plusieurs de ces lits étaient vides. Mais ce calme n'était qu'apparent. «Les listes d'attente sont pas possibles», dit Virginie Cauderlier.

Le problème, ce n'est pas seulement le manque de lits. C'est aussi qu'il n'y a plus assez de personnel médical pour soigner les malades. Les médecins et les infirmières haïtiens ne s'y connaissent pas en choléra, maladie que l'on n'a pas vue dans ce pays depuis un siècle. Il faut les former. Et surmonter les craintes qu'inspire cette maladie.

À Sarthe, on continue à aménager de nouvelles tentes. Bientôt, le centre pourra soigner 400 patients à la fois. Même course contre l'épidémie dans l'unité de traitement de l'hôpital Choscal, dans Cité Soleil. Il y a tellement de malades que des lits ont dû être installés à l'extérieur, en attendant l'aménagement de nouvelles tentes médicales.

Cette semaine, MSF se préparait à emménager dans un vieux bâtiment abandonné près de l'hôpital. Mais la propagation de l'épidémie s'accélère. La porte-parole de MSF, Isabelle Jeanson, résume la situation en ces mots: «Nous nous débattons, c'est une course contre la montre.»

L'organisation humanitaire se sent un peu seule dans la galère du choléra haïtien. Hier, elle a publié un appel à la mobilisation générale. «Nous constatons que 80% du travail est assuré par une seule organisation, le choléra est une maladie facile à soigner, mais il faut une action globale», dit Stefano Zannini, le chef de la mission de MSF en Haïti.

S'il y avait des points d'hydratation dans les quartiers de Port-au-Prince, la vaste majorité des malades pourraient se soigner chez eux, sans aller à l'hôpital, explique-t-il. Il faut aussi distribuer des kits pour l'enterrement hygiénique des cadavres, améliorer les conditions d'hygiène dans les camps et les bidonvilles.

«Nous sommes au bout de nos capacités. Bientôt, on devra refuser des patients. Et il y aura une augmentation de la mortalité.»

Aux yeux de Stefano Zannini, la lutte contre le choléra en Haïti ressemble un peu à un incendie que l'on tenterait d'éteindre avec un verre d'eau.