À huit jours des élections présidentielle et législatives en Haïti, quatre des 19 candidats engagés dans la course à la présidence ont demandé un report des scrutins alors que le pays fait face à une épidémie de choléra qui a déjà fait plus de mille morts.

«Nous demandons aux autorités de repousser la date des élections, d'établir et de publier un plan de lutte contre l'épidémie de choléra qui menace la vie de tous les Haïtiens», écrivent Josette Bijou, Gérard Blot, Garaudy Laguerre et Wilson Jeudy, des candidats très mal classés dans les sondages.

Ils réclament la création d'une commission d'enquête indépendante pour déterminer l'origine de la maladie et établir les responsabilités, en indiquant que «plusieurs indices» montrent que la Mission de l'ONU en Haïti (Minustah) a une responsabilité dans l'éclosion du choléra dans le pays.

D'autres candidats ont souhaité que les élections se tiennent à la date prévue, le 28 novembre, pour éviter de nouvelles crises politiques au pays.

«Il n'est pas raisonnable de parler de report, nous sommes à un point où les gens sont prêts à aller voter», a soutenu cette semaine la candidate à la présidence Mirlande Manigat, favorite dans les sondages.

«On ne peut pas reporter les élections d'un mois ou deux, personne ne sait si dans l'intervalle la maladie ne va pas s'aggraver», a affirmé un autre candidat, Leslie Voltaire.

Près de 4,7 millions d'Haïtiens sont appelés à choisir un successeur au président René Préval. Ils devront également élire 11 sénateurs et 99 députés.

Des milliers d'Haïtiens ont manifesté cette semaine, parfois violemment, dans certaines villes du pays, dont la capitale Port-au-Prince, pour réclamer le départ des forces onusiennes, accusées d'être à l'origine de l'épidémie, et reprocher aux autorités leur gestion de la maladie.

Au moins cinq personnes sont mortes et plusieurs ont été blessées au cours de heurts, dont au moins six parmi les Casques bleus.

«Nous saluons le courage et la détermination des gens qui manifestent chaque jour dans les rues pour exiger le respect de leur dignité. Nous réclamons justice et réparation pour les victimes de la maladie», poursuivent les quatre candidats souhaitant un report des élections.

Sans aller jusqu'à là, Yvon Neptune, un ancien premier ministre également candidat à la présidence, regrette le manque de préparation des autorités face à la maladie. «Le gouvernement doit donner des indications claires au lieu de laisser tout le monde dans le flou. Quelle garantie avons-nous que les élections peuvent se tenir dans le contexte actuel?"

Il rappelle que le ministère de la Santé avait déconseillé au début de l'épidémie les rassemblements politiques dans les endroits où la maladie, très contagieuse, s'est développée. «Aujourd'hui, c'est tout le pays» qui est touché, remarque-t-il.

Depuis son apparition à la mi-octobre, le choléra a fait au moins 1186 morts, tandis que près de 20 000 personnes ont été hospitalisées, selon le dernier bilan des autorités de Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, touché en janvier dernier par un séisme dévastateur qui a fait plus de 250 000 morts.

Un bilan que le docteur français Gérard Chevallier, qui travaille avec les autorités sanitaires haïtiennes, juge toutefois «sous-évalué». «Les notifications sont imparfaites, il y a des zones où des personnes meurent et personne ne le sait», affirme-t-il dans un entretien à l'AFP, précisant que les «deux tiers du territoire ne sont accessibles qu'à pieds».