Savoir ou ne pas savoir? L'ONU dit considérer important de savoir si ses Casques bleus sont à la source de l'épidémie de choléra qui afflige Haïti. Mais ce n'est pas cette information qui permettra de venir à bout de l'épidémie, précise-t-elle.

L'état de santé des Casques bleus népalais de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a été encore une fois mis en doute hier par un rapport d'un épidémiologiste français remis aux autorités haïtiennes et au ministère français des Affaires étrangères.

Selon ce rapport, dont les conclusions ont été rapportées par une source près du dossier à l'Agence France-Presse, «le foyer infectieux est parti du camp des Népalais» situé à Mirebalais (centre d'Haïti) près du fleuve de l'Artibonite, autour du 15 octobre.

En quelques jours, des milliers de cas dans la région ont été signalés. «Il n'y pas d'autre explication possible que ça sur le développement de l'épidémie dans un contexte où il n'y avait pas de choléra dans le pays, et compte tenu de l'intensité, de la vitesse de propagation et de la concentration de vibrion dans le delta de l'Artibonite», a indiqué cette source à l'AFP.

L'auteur de l'étude, Renaud Piarroux, spécialiste du choléra à l'hôpital de Marseille, précise que l'épidémie, de souche asiatique, «n'est pas liée au séisme, elle ne provient pas non plus d'une souche environnementale», elle a été «importée».

Avec un tel niveau de concentration et de propagation, «l'explication la plus logique, c'est l'introduction massive de matière fécale (de malades) dans le fleuve de l'Artibonite, en une seule fois».

Un rapport parmi d'autres

Joint hier à Port-au-Prince, le porte-parole de la MINUSTAH, Vincenzo Pugliese, a répété que les tests menés dans les eaux usées de la base se sont tous révélés négatifs. «On n'a aucune évidence irréfutable que les Népalais de ce camp sont à l'origine de l'épidémie, ou ne le sont pas.»

«Le rapport de cet épidémiologiste n'est pas le seul sur la question», a précisé M. Pugliese. «À ce que je sache, il n'est pas allé dans notre camp. (...) Je ne connais pas sa méthodologie et la base de ses résultats.» Il dit espérer que ces conclusions n'attiseront pas la colère des Haïtiens qui ont violemment manifesté contre la présence de la MINUSTAH. «Si on adopte une approche violente, cela mine les efforts pour bien répondre à l'épidémie.»

Du côté des humanitaires, retracer l'origine de l'épidémie n'est pas une priorité. «Ce qui est important pour nous, c'est que les gens aient l'information pour la prévention», dit Louis Bélanger, porte-parole d'Oxfam à Port-au-Prince. Les résultats sont là: aucun cas de choléra n'a été signalé parmi les 300 000 pensionnaires des camps d'Oxfam à Port-au-Prince.

Même chose du côté de Médecins sans frontières. «Notre position est pragmatique: avoir appris au début de l'épidémie quelle en était l'origine n'aurait pas permis de sauver plus de vies. Le fait de le savoir aujourd'hui n'a aucun impact non plus», dit Stefano Zannini, chef de mission à Port-au-Prince. «Ma préoccupation, aujourd'hui, c'est qu'une personne meurt du choléra toutes les 30 minutes.»

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50 jours d'épidémie

Selon l'épidémiologiste Renaud Piarroux, l'épidémie de choléra «a explosé sur un mode extrêmement violent le 19 octobre». Cinquante jours plus tard, la situation est toujours critique. Hier, le bilan s'établissait à 92 000 cas et plus de 2000 morts. Au rythme actuel, un Haïtien meurt du choléra toutes les 30 minutes.

Avec l'AFP