La lutte contre les narcotrafiquants s'annonce plus que jamais comme un défi pour le Mexique avec près de 100 assassinats attribuées aux cartels de la drogue depuis le début l'année 2011, après une année 2010 déjà marquée par des records de violence.

Avec le «samedi sanglant» d'Acapulco, la célèbre station balnéaire sur le Pacifique, où 15 corps décapités ont été retrouvés le 8 janvier devant un supermarché, le crime organisé a franchi un nouveau pas dans l'horreur.

Le président Felipe Calderon avait reconnu deux jours auparavant que 2010 avait été «l'année avec le plus grand nombre de morts violentes dans le pays», conséquence des luttes entre cartels de la drogue, mais aussi de la stratégie gouvernementale de combat contre les trafiquants.

Il n'avait pas donné de chiffres, mais selon un bilan officiel diffusé en décembre par les services du Procureur général, on a enregistré 12 456 morts violentes dans tout le pays du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2010.

Depuis décembre 2006, date de la prise de fonction de M. Calderon, on a compté 30 196 personnes tuées en lien avec les rivalités entre les cartels du crime organisé ou dans des opérations des forces de l'ordre.

Mais selon le porte-parole du gouvernement mexicain, Alejandro Poiré, réagissant lundi aux violences d'Acapulco, le nombre de victimes est en diminution après avoir atteint un pic en juin.

Il a affirmé que les actes de barbarie perpétrés par les trafiquants de drogue montraient leur désespoir devant les coups que leur ont récemment portés les forces de l'ordre.

Selon le gouvernement, 19 des 37 principaux dirigeants des groupes criminels ont été soit capturés soit tués ces dernières années. Les cartels ont des difficultés à remplacer ces leaders, affirme le pouvoir.

Mais Javier Oliva, du Centre de recherche sur la sécurité nationale de l'Université nationale autonome de Mexico (UNAM), relève qu'«il ne sert à rien que tombent davantage de leaders si le trafic et la consommation de drogue sont en augmentation et si les autres délits, comme les enlèvements, les disparitions sont aussi en augmentation, alimentés par l'activité des cartels».

La stratégie de M. Calderon qui a fait déployer 50 000 militaires dans tout le pays en renfort de la police pour contrer les trafiquants, est l'objet de contestations dans la société civile.

Lundi, des caricaturistes de presse ont lancé une campagne visant à afficher partout des autocollants et des affichettes disant «Jamais plus de sang» sur les vitres des maisons, des commerces et des automobiles.

«Nous affirmons la nécessité que la société puisse exprimer son mécontentement face à une stratégie qui n'a abouti qu'à répandre plus de sang dans le pays», a expliqué lundi le caricaturiste Eduardo Rios, dit «Rius», à l'origine de cette initiative.

Pour le gouvernement, ces signes de désenchantement interviennent en pleine année électorale, avec six scrutins importants pour des postes de gouverneur d'Etat, mais aussi à un an de l'élection présidentielle de juin 2012.

«La plus grande crainte du Parti action nationale (PAN, au pouvoir) c'est que le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) revienne au pouvoir en 2012 après en avoir été chassé en 2000 au terme de 70 ans d'hégémonie», a déclaré à l'AFP la sociologue Claudia Rodriguez.

Javier Oliva va dans le même sens: «dans la mesure où la violence et les narcotrafiquants se positionnent comme thème central de campagne, cela sera plus difficile pour les intérêts du gouvernement».